Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! Lorsque après la victoire d’Ekrem Imamoglu, le candidat du Parti républicain du peuple à la mairie d’Istanbul, opposé à Recep Tayyip Erdogan, le peuple croit avoir pu s’émanciper, je crains fort qu’il se réjouit trop tôt. Je ne veux pas jouer au rabat-joie, mais je ne peux pas ignorer que des personnes s’étant opposées au régime autoritaire du chef de l’État, lorsqu’il était encore premier-ministre, se retrouvent ce lundi devant un tribunal. Le philanthrope Osman Kavala, par exemple, accusé d’avoir voulu renverser le régime. Il est incarcéré plus de 600 jours depuis une tentative de putsch en 2016. Il est accusé d’avoir financé les gigantesques manifestations du mouvement dit du Gezi contre Erdogan en 2013. En 2018 la répression contre cette opposition a été accrue après l’arrestation d’universitaires, des proches du philanthrope. Malgré la victoire hier soir du Parti républicain du peuple, que je salue chaleureusement, il faut se rendre à l’évidence que ce procès est la réalité, celle « d’une démocratie » musclée. Je pense que le revers électoral de Recep Tayyip Erdogan, ne le freinera pas dans la répression, au contraire. Il s’en prendra tout d’abord aux Kurdes qu’il considère comme étant l’ennemi numéro 1 à abattre. N’oublions pas qu’un animal blessé est particulièrement redoutable. Il en est de même pour les autocrates. Il n’y a qu’à lire l’acte d’accusation du procès pour ce faire une idée ce que pourrait être le verdict de ce procès : „Rien de tout cela n’est arrivé par coïncidence (…) Il y avait un soutien de l’étranger dans le cadre d’une opération visant à mettre la République de Turquie à genoux“
En accusant notamment Osman Kavala de collusion avec l’étranger, les accusés risquent la prison à vie. Les faire passer pour des traîtres est l’objectif d’une justice totalement à la botte du régime, qui ne peut pas être qualifiée de neutre. Pour Andrew Gardner un chercheur d’Amnesty international, l’acte d’accusation „ne comporte pas l’ombre d’une preuve attestant que (les accusés) étaient impliqués dans une quelconque activité criminelle, encore moins qu’ils ont conspiré pour renverser le gouvernement“.Ce dernier cherche de faire passer le Gezi comme étant une association qui reçoit ses ordres de l’extérieur ce qui s’avère être faux. „Au lieu de cela, il s’efforce d’une manière absurde de présenter des activités associatives banales comme des crimes“ Erdogan a comparé le mécène Osman Kavala plusieurs fois à George Soros, le milliardaire américain d’origine hongroise qui est accusé de tous les maux par Viktor Orbán. C’est une chasse aux sorcières qui se passe-là. La preuve-même que pour l’instant peu de choses changeront. Je crains fort que le régime fasse tout pour mettre Ekrem Imamoglu, le nouveau maire d’Istanbul dans l’embarras. Il se pourrait même qu’il le fasse aussi passer comme un homme étant à la solde de l’étranger. Je ne peux pas m’imaginer qu’Erdogan puisse être un bon perdant, même s’il a félicité le nouveau maire pour sa victoire. Je pense qu’il ne faut pas se laisser entraîner dans l’euphorie ; qu’il faut au contraire continuer à lutter pour la liberté de pensée et d’expression en Turquie. On en est encore bien loin !
pm