Abdelaziz Bouteflika « a avisé officiellement le Conseil constitutionnel de la fin de son mandat de président de la République » à partir « d’aujourd’hui ». C’est ce qui a été annoncé à la télévision algérienne. C’est sous la pression de l’armée que le président sortant s’est résolu de démissionner avant le 28 avril comme il avait été prévu. Malgré son grand handicape à la suite d’une attaque cérébrale en 2013, il avait voulu continuer à s’accrocher au pouvoir. Une majorité d’Algériens descendirent dans la rue pour s’opposer à cette décision. Ils en avaient assez du président qui est au pouvoir depuis 19 ans et 11 mois. Il est vrai qu’il n’a pas été en mesure de faire les réformes nécessaires et de donner au peuple une meilleure vie. Les problèmes liés au chômage et à la couverture sociale dominent toujours encore le quotidien. Puis il n’est pas dit qu’avec l’éviction arbitraire du FIS, qui avait remporté une victoire sans merci aux législatives de 1992 contre le FLN, cette mouvance soit à tout jamais éradiquée. Je ne serais pas étonné que les fondamentalistes se manifestent à nouveau. Pour l’armée il était urgent d’anticiper en renversant Abdelaziz Bouteflika, qui n’aurait plus eu la force de résister contre ceux qui se réclament d’un Islam dur et pur. Je peux m’imaginer qu’avec le déclin de l’EI, il y ait des fanatiques de Dieu qui aspirent à prendre la relève.
Du point de vue géopolitique, l’Algérie a une position des plus importantes car elle pourrait exercer une influence de taille sur tout le Maghreb, soutenir les islamistes sahariens, notamment ceux du Mali et leur permettre d’accentuer leur croisade sur l’Afrique francophone. Puis il ne faut pas oublier l’Europe et notamment la France, où des millions de personnes d’origine Nord-africaine se sont établies. C’est un fait objectif que bon nombre de terroristes sont originaires de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Il est évident qu’un régime en agonie ne peut pas résister contre l’Islamisme, qui contrairement à l’avis de Donald Trump, est loin d’être vaincu. Ce n’est pas parce qu’il y a une accalmie qu’il faut crier victoire. Il est évident que du point de vue européen, on ne peut que saluer ce qui s’est passé dans un premier temps en Algérie. Mais cela peut aussi être une victoire à la Pyrrhus, qui pourrait engendrer des troubles sanglants. Si l’armée ne s’arrange pas d’une manière ou d’une autre avec les Islamistes, il pourrait y avoir de la casse. L’exemple de l’Égypte d’Abd al-Fattah as-Sisi, qui a chassé les Frères musulmans du pouvoir, n’est à mon avis pas une solution durable. Il est évident qu’il est impossible d’ignorer les aspirations de la population, qui cherche son salut dans le fondamentalisme. Il faudrait que le successeur d’Abdelaziz Bouteflika soit à écoute de telles revendications. Ce n’est que par le dialogue qu’il sera possible de trouver une solution pérenne. L’emploi de la force ne peut qu’attiser les passions. Je pense que l’Algérie se trouve à la croisée de deux chemins. Soit elle joue le jeu de la démocratie et accepte qu’il puisse y avoir une antre majorité ; soit elle choisit la répression. Ce serait repousser les problèmes, non pas les résoudre. Je pense que le changement de président pourrait être une chance de réconciliation entre la société civile et celle marquée par la religion. En sera-t-il ainsi ? J’ai des doutes…
pm