Ce ne sera pas une partie de plaisir pour Manuel Valls de convaincre une majorité de militants de gauche de le soutenir pour la primaire. Une des composantes des socialistes est de rejeter toutes figures de poupe, de remettre en question tout et rien. Cela fait partie de leur identité. La lutte fratricide peut paraître un peu comme l’expression d’un certain désordre, mais elle permet aussi de se forger de nouvelles options en ce qui concerne la société. De tels débats ont jalonné l’histoire des mouvements de gauche et leur ont donné une certaine vitalité. Mais que se passe-t-il lorsqu’il y a une situation d’urgence telle que nous la connaissons ? Toutes personnes sensées se poseraient la question de savoir si un tel réflexe n’est pas destructeur ? Il s’agit maintenant de la survie d’un parti qui a marqué l’histoire de la France et qui a contribué à son avancement. Psychologiquement il est évident que la peur règne. Beaucoup d’élus doivent craindre se retrouver ce printemps sans mandat, de voir leur situation personnelle se détériorer considérablement. Cela provoque de la nervosité et c’est la dernière des choses qui pourrait être bénéfique pour renverser un peu la vapeur. Il serait bon de montrer un peu de quiétude, mais allez demander cela à une femme ou un homme qui se noie. Le rôle de Manuel Valls sera de calmer les esprits, de rassembler tous ceux qui courent sans but précis dans le poulailler parce que le renard attend la meilleure opportunité de les dévorer. Il devra démontrer au plus vite qu’il a les qualités d’un capitaine, que son mouvement ne sombrera pas comme le Titanic. Mais cela sera très ardu pour lui, car la plupart des socialistes sont allergiques à tout ce qui peut être pris pour de l’autorité.

C’est là que réside une des causes de l’échec de François Hollande. Il voulait passer pour monsieur tout le monde à l’Élysée, ce qui est en opposition complète avec le mandat d’un président. Il est certes méritoire de ne pas cultiver le culte de la personnalité, mais allez jusqu’à se nier soi-même peut mener au désastre. Si Manuel Valls arrivait en tête à la fin janvier, il emprunterait à coup sûr une autre voie et réclamerait de tous beaucoup d’allégeance. Il fera tout pour que personne le démonte. Volontariste et autoritaire, il rejettera toute remise en question. Mais il est impossible aujourd’hui de dire s’il arrivera à ses fins. La gauche du parti lui mettra un bâton dans les roues et refusera de se laisser imposer quoi que ce soit. Jean-Luc Mélenchon peut se frotter les mains, même si une telle démarche ne peut qu’accélérer le déclin. Comme je l’ai écrit maintes fois, il s’agira de redéfinir dans les années futures le socialisme. Peut-il être considéré encore aujourd’hui comme l’émanation de Karl Marx ? Sa philosophie est-elle encore applicable dans un contexte où les plus défavorisés se tournent vers l’extrême-droite afin de se sentir compris. À première vue un paradoxe en parfaite opposition avec le principe même de la liberté individuelle qui implique une certaine responsabilité. Afin de récupérer certains de ces transfuges, Manuel Valls devra démontrer qu’il gouvernera avec une poigne de fer. Cela ne correspond pas forcément à la culture d’une constante remise en question. On lui souhaite bien du plaisir !

pm

http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2016/12/06/discours-de-mobilisation-de-manuel-valls-a-pres-de-150-parlementaires-ps_5044531_4854003.html

Pierre Mathias

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