Jean-Claude Junker exhorte les Européens à ne pas fermer la porte aux négociations avec la Turquie. En particulier l’Autriche voudrait que l’UE change de politique envers Recep Tayyip Erdoğan. C’est ce qu’à réclamé Christian Kern, le chancelier de la république alpine. Lorsque je vois ce qui se passe du côté d’Ankara, je serais le premier à réclamer le gel des relations diplomatiques. Une fois de plus nous sommes à la merci d’un autocrate. Le point de vue de la Commission n’est pas à rejeter complètement, car ce serait à ses yeux le moindre mal que de parler. Mais cette attitude aurait aussi le désavantage de faire acte de faiblesse. Jean-Claude Junker sait très bien que l’UE subit actuellement un chantage venant du gouvernement turc. Il y a la question des réfugiés, qui d’après l’accord conclut entre l’Union et la Turquie stipule que les migrants restent tout d’abord dans ce pays d’accueil. Cela a permis de désengorger les frontières et de réduire considérablement le flux migratoire. L’Allemagne en profite à l’heure actuelle. Ankara le sait ! De l’autre il y a la géopolitique. Il est évident que nous avons tout intérêt à ne pas pousser les turcs dans les bras des extrémistes religieux en Syrie ou en Irak. Non plus qu’il y ait une alliance sacrée avec la Russie de Poutine. Tout cela à sa raison d’être. Mais faut-il pour autant apporter son soutien tacite à un homme qui essaie actuellement d’instaurer un régime autoritaire et antidémocratique ? Si je prends tous ces éléments sous la loupe, force est de constater que nous ne pouvons pas continuer un dialogue dans de telles conditions. La possibilité d’imposer nos revendications est plus que maigre, tant qu’Erdoğan ne subirait pas trop de revers dans le domaine économique. Du fait de son attitude, le nombre de touristes diminuera de manière drastique et ceci indépendamment d’un hypothétique blocus.

L’expérience russe nous démontre que de telles restrictions font mal, mais n’ont guère d’incidence au niveau politique. Rien n’a changé ! Ceux qui croyaient mettre Vladimir Poutine au diapason y sont restés pour leurs frais. Il y a encore un point non négligeable qu’il faut évoquer en cas de boycott : C’est le sort des opposants. Ils sont assez nombreux et représentent un peu moins de la moitié de la population. Toutes mesures intempestives les affaibliraient. Il serait facile pour le gouvernement en place de prétendre qu’ils sont en connivence avec l’étranger. Des traîtres qu’il s’agirait de poursuivre. Tout cela fait craindre le pire. Mais l’attentisme ne peut pas non plus être la solution. Il ne fait que reculer les échéances sans pour autant trouver des solutions. Je crains fort que nous serons forcés de continuer à négocier. Les USA ne pourront que faire pression. Le danger que l’EI présente pourrait être décuplé si on éjectait la Turquie de l’Europe politique. Jean-Claude Junker n’a sûrement pas déclaré qu’il en fallait en aucun cas isoler la Turquie. Il ne l’a pas fait de gaîté de cœur. C’est un point de vue pragmatique qui ne permet guère d’autres solutions. Émotionnellement je soutiendrais Christian Kern, dans la pratique plutôt Junker. C’est un chassé-croisé qui ne me fait pas plaisir. C’est la démonstration du désarroi dans lequel nous nous trouvons. Un casse-tête chinois !

pm

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/08/04/junker-estime-que-fermer-la-porte-de-l-ue-a-la-turquie-serait-une-grave-erreur_4978556_3214.html

Pierre Mathias

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