Lorsque Jean-Luc Mélenchon parle d’annexion en ce concerne la réunification de l’Allemagne , je ne suis pas aussi catégorique que Daniel Cohn-Bendit, qui prétend que ce que le leader der La France Insoumise dit est de la bêtise. Mes arguments ne sont pas seulement théoriques. Ils se basent sur ce que j’ai vu en RDA peu après la chute du mur de Berlin. Dès le mois de janvier 1990 je parcourais le pays afin de constater comment les relations entre l’Ouest et l’Est se déroulaient. Cela n’était pas du gâteau dans bien des cas. Je me suis rendu dans des fabriques, qui étaient, quelques semaines après le évènements, désaffectées, qui n’avaient aucune chance de survie, car ce qu’elles produisaient n’était pas à la hauteur des exigences qu’on attendait d’elles, qui travaillaient à pertes pour maintenir le plein-emploi qui existait jusqu’alors. J’ai vu un grand nombre d’anciens employés et ouvriers dans le désarroi, qui ne savaient pas comment il feraient pour survivre. Le 1er mars 1990 le conseil des ministres de la RDA sous la présidence de Hans Modrow décida de créer la Treuhand, une organisation chargée d’adapter l’économie aux normes de la politique sociale de marché. Son verdict fut impitoyable. La plupart des entreprises d’État n’étaient pas rentables et devaient être fermées. Du point de vue strictement mercantile une nécessité, humainement un désastre. Beaucoup d’entre-elles furent démantelées par les nouveaux acquéreurs, pour qui l’apport immobilier avait la priorité. J’ai vu des gens qu’on jeta littéralement à la porte, pour qui l’accès de leur ancien lieu de travail était interdit. Il y avait bien un filet de retenue dans le social, mais il ne correspondait en aucune manière à ce que les gens avaient connu en RDA. Il était impossible d’en vivre.
Vient s’ajouter à cela, que pour obtenir quoi que ce soit, il fallait faire les démarches nécessaires, ce qui n’était pas le cas avant. C’est l’État qui gérait tout. Il n’y avait pas de bourse de travail, les services sociaux intervenaient d’office. Vu sous cet aspect, bien des personnes concernées par les réformes, ont considéré que l’Allemagne de l’Est avait été annexée et transformée en un protectorat, où le capitalisme occidental pouvait faire son beurre. Les prix d’achat défiaient toute concurrence. Dans certains cas il suffisait de payer un mark symbolique pour devenir propriétaire, dans l’espoir que les acquéreurs puissent payer les dettes et faire redémarrer la production, ce qui dans la plupart des cas était un leurre. Un chômage colossal s’ensuivit dont les séquelles se font encore sentir 30 ans après. Jean-Luc Mélenchon, que je ne porte pas dans mon cœur, a raison de souligner que beaucoup de citoyens de l’Est, après un temps d’euphorie, ont considéré avoir été annexés. Aussi dans la perspective politique, où bien des gens auraient préféré que l’ex-RDA s’arrime doucement à la République Fédérale. Qu’il y ait un processus d’autodétermination. Que le pays à l’instar des autres nations de l’Est, puisse progressivement changer ses institutions. Cela n’a pas été le cas. On leur a imposé les préceptes occidentaux. Je donne raison à Daniel Cohn-Bendit qu’en fin de compte, les habitants ont profité de cette cure du point de vue de la vie de tous les jours, mais ils sont restés jusqu’à présent des citoyens de seconde catégorie.
pm