Après avoir écrit cet article, je vais me rendre à Wasserburg, une petite ville sise à quelques dizaines de kilomètres de Munich, pour y emmener ma voiture pour une inspection. C’est-là que se trouve mon garage. Je vais passer par la campagne, pouvoir admirer les belles exploitations agricoles. Beaucoup de paysans se sont mis au bio, car de plus en plus de Bavarois refusent d’acheter des produits venant de l’industrie agraire. Ils ont dû recycler leurs exploitations, ce qui pour beaucoup les a mis au bord de la ruine, car les aides de l’État et de l’UE ne correspondent pas aux vrais coûts d’une telle mutation. C’est tout au moins ce que certains m’ont dit. Ils ont dû s’endetter. Ils ont pris des crédits et pour beaucoup d’entre-eux ne savent pas comment ils pourront rembourser leurs dettes. Le bio demande plus de travail, plus de personnel. Les prix de vente ont augmenté considérablement. Il y a une clientèle prête à payer plus, mais elle est limitée. Il faut donc faire beaucoup de marketing, observer journellement le marché, bien jauger ses fluctuations. Toute une science qui demande beaucoup de savoir. Pour avoir une chance de pouvoir se tirer d’affaire, il faut que l’exploitation soit homologuée, ce qui n’est pas une mince affaire, vu que les exigences de Demeter, une marque ayant une grande réputation dans la bio-agriculture et dans le bio-élevage, sont draconiennes. En travaillant pour son label, qui est un signe de noblesse, les consommateurs peuvent être assurés de la pureté des denrées alimentaires qu’ils achètent. Des contrôles constants ont lieu et qui se voit retirer son homologation peut jeter l’éponge.
Et qu’en est-il en France dans le domaine agricole ? Bien des paysans n’ont pas les moyens de suivre l’exemple de leurs collègues allemands qui se sont mis au bio. Il y a bien des filières, mais la situation financières de bien des ménages est assez précaire dans l’hexagone. Les gens doivent se rabattre sur des produits dont les prix ont été cassés et ceci sur le dos des paysans. Parfois même ils sont obligés de vendre à perte, ce qui est un paradoxe. Les grandes surfaces leurs imposent des prix d’achat soumis à régime « dumping ». Il s’agit d’imposer aux exploitants des prix d’achats indécents. On les soumet au chantage. S’ils refusent les offres, ils sont mis en touche. De passer d’une agriculture traditionnelle à celle du bio n’est pas une mince affaire. Il faut avoir les moyens de le faire, cela commence par une formation professionnelle qu’il faut reprendre à zéro. On ne s’improvise agriculteur bio. Une fois ce cap passé, il faut mettre ses terres en jachères afin qu’elles se désinfectent. Pour que toute la chimie employée disparaisse, cela met des années. Un manque à gagner considérable. Il faut avoir les reins bien solides. Il n’est pas étonnant que bien des paysans soient désespérés, soient obligés de jeter l’éponge. Certains ne supportent pas toutes ces contraintes, y voient un puits sans fond. Pas étonnant qu’il y ait de plus en plus de suicides. Ce qui rend la situation si tragique, c’est l’attachement viscéral à la terre. Le sentiment de ne pas pouvoir passer le témoin aux jeunes, rend la situation encore plus tragique. Cela détruit toutes les structures sociétales qu’on connaît à la campagne, une déstabilisation insupportables pour les victimes du business.
pm