J’essaie de me mettre dans la peau d’un migrant bloqué dans un camp insalubre sur l’île de Lesbos. Il n’est pas étonnant que certains d’entre-eux sont fous de désespoir, ne sachant pas ce qui adviendra d’eux. Une situation sans issues, tout au moins pour l’instant. Ceux qui ont fui l’horreur se trouvent bloqués. Certes ils ont pu sauver leur peau, mais est-ce le cas pour leur âme ? Pourrons-t-ils retrouver un équilibre, si leur situation venait à s’améliorer ? J’ai des doutes. Dans ce contexte il est permis de se poser la question si une vie dans de telles conditions vaut la peine d’être vécue ? Ils sont entraînés dans un engrenage qui peu à peu les dévore. Peut-être se demandent-ils, s’il n’aurait pas été mieux de se noyer dans les flots de la Méditerranée ? Non, ce n’est pas du cynisme de ma part, mais une constatation provoquée par ce qui se passe réellement. Le fait que les agissements discriminatoires d’un Matteo Salvini ne provoquent par une levée de boucliers général, est pour moi plus que bouleversant. Plus de 1000 migrants sont morts depuis qu’il a pris la décision de fermer les ports de son pays à tous réfugiés, de condamner tous ceux à qui viendrait l’idée de les sauver de la noyade. Les migrants sentent bien qu’ils sont rejetés de toutes parts. Personne ne veut d’eux, même s’ils déclarent le contraire. Des êtres en errance qui propagent la peur, même s’ils sont trop faibles pour se révolter. Ils sont considérés comme des sauterelles, qui ont l’intention de tout dévorer sur leur passage, de faire de l’Europe une terre brûlée. Et que fait-on dans ce cas-là ? On les élimine en giclant de l’insecticide afin qu’ils meurent empoisonnés. Ce qui se déroule pour les insectes risque de se passer pour les hommes. Nous sommes à deux pas du génocide, c’est l’horrible réalité !
Et lorsque certains politiciens élèvent la voix contre de tels agissements, ils sont ou tués, comme c’est le cas pour Walter Lübcke en Allemagne, ou menacé de mort comme la maire de Cologne qui a été sauvée de justesse lors d’une tentative de meurtre. L’extrême-droite fourbi ses armes et ne recule devant plus rien outre-Rhin. En propageant la peur, elle veut mettre le peuple au pas, tout au moins pour ceux pour qui l’éthique passe au premier plan. Et que dit l’opinion publique dans sa grande majorité ? Comme les migrants de Lesbos, elle est paralysée. Elle ne sait plus à quel saint se vouer, cautionnant contre son gré l’agissement des meurtriers néo-nazis en se taisant. Là aussi il y a un grand désarroi. À l’instar des séquestrés en Grèce, ils ne voient pas d’issue à cette situation. Peut-être souhaitent-ils revenir en arrière, de faire comme si rien ne s’était passé. J’ai l’impression de me trouver dans un véhicule qui part à la dérive, car le conducteur a été pris de malaise. Je vois le mur dans lequel nous nous écraserons, mais reste figé par la peur. De prétendre qu’il y a toujours une solution pour régler les problèmes est un fieffé mensonge. Je ne vois que la violence comme issue. Une guerre qui nous rongera, car elle me semble incontournable. Et ceci dans la certitude que nous nous dirigeons dans le néant. Pour l’instant nous cherchons à repousser cette échéance en faisant moisir des hommes, des femmes et des enfants dans un camp de réfugiés sur une île grecque. À la longue « la solution finale » ?
pm