Une enseignante du Collège Elsa Triolet à Sant-Denis a été braquée par un ado, qui a brandit sur elle un pistolet de pacotille. « Il y en a un qui est entré en criant : c’est un attentat ! Il a braqué une arme factice sur moi, il a tiré en direction de mon visage. J’ai mis ma main et les billes ont atterri sur ma main. J’étais dans la sidération parce que je ne connaissais pas l’individu. » Cette femme est en état de choc. Ses collègues ont décidé hier d’aller manifester. Une telle situation s’est déjà déroulée dans le département. Elle démontre à quel point la situation s’est détériorée. Pour beaucoup d’élèves le seul fait de déclarer, où ils vont à l’école, est un constat d’échec. Cette situation grave ne peut pas excuser une telle action. Est-ce en quelque sorte un cri d’alarme ? Ou est-ce qu’une bravade d’un jeune en déshérence ? Il démontre qu’il y a urgence pour l’État de remettre à plat ce que je nommerais « le mal des banlieues ». Depuis des années il est question de réformes, de projets. Ceci tout particulièrement dans le domaine de l’enseignement. Le but recherché est de rééquilibrer la situation des jeunes de ces cités par rapport à la moyenne nationale en ce qui concerne la qualité des cours et les chances de réussite. Malgré les bonnes intentions on est loin du compte. Le professeur est confronté directement à cette situation, même si lui-même, n’est qu’un pion sur l’échiquier. Il n’a pas d’emprise directe sur les méthodes scolaires, sur le rôle sociologique du collège par rapport à son environnement direct. Même si on le nie parfois, il ne peut être qu’un exécutant. Cela met à mal son autorité par rapport aux élèves, qui attendent de lui bien plus que ce qu’il est en mesure d’offrir.
Je pense que le premier devoir du ministère de l’éducation nationale serait de donner aux enseignants une marge de manœuvre supérieure à celle qu’ils connaissent actuellement. Le rôle qu’ils devraient jouer dépasse de loin le cadre scolaire. S’il veut être un interlocuteur respecté, il doit s’impliquer au-delà du cadre du collège. Il est en quelque sorte aussi un travailleur social. La question qui se pose, c’est de savoir s’il en a les compétences ? Si le temps de travail imparti suffit pour être efficace ? Évidemment non. Le prof n’a souvent pas les compétences nécessaires pour assumer un tel rôle. Il lui faudrait des jours de 24 heures de travail pour assumer un tant soit peu une telle tâche. Mais ce qui est pervers dans tout cela, c’est le fait qu’il est difficile de déléguer de telles actions, car en fin de compte ce seront les notes qu’il donne qui détermineront l’avenir de l’adolescent. Il a une part directe dans la gestion d’un suivit scolaire qui aboutit en fin de compte à un emploi. Il endosse un habit trop grand pour lui et est finalement pas en mesure d’assumer les conséquences de son enseignement. Il est indéniable qu’il lui manque la formation nécessaire pour aborder les problèmes de ses élèves. Je peux bien m’imaginer que les gosses attendent trop de lui, qu’ils le considèrent comme un mentor qui les prend par la main pour leur permettre de sortir de leur situation sociale. Les instituteurs ne sont pas en mesure de le faire, ce qui génère de la violence. Déçus, les jeunes n’ont plus de respect, plutôt de la haine envers les profs, qui feraient bien de réfléchir aux raisons de cette aversion.
pm