En lisant son quotidien viennois dans son café de prédilection, Sigmund Freud, avala de travers le croissant qu’il était en train de manger. Il dut boire un verre d’eau. Il jeta à nouveau un regard sur l’article qui relatait, que Jair Bolsonaro a recueilli 46,7 % des voix au premier tour des élections présidentielles du Brésil. Il manqua de peu qu’il obtienne la majorité absolue, contre Fernando Haddad (28,37), le candidat de la gauche. Freud téléphona à la rédaction du Standard, un journal libéral de gauche. « J’aimerais écrire un commentaire à ce sujet ! » Personne n’osa contredire le grand psychanalyste. On le laissa faire. « Qu’est-ce qui peu amener un peuple à plébisciter son bourreau ? » C’était le titre qu’il donna à son article. Il se posa cette question fondamentale, en se disant que ce n’était que de l’ignorance. Il dut penser au peuple allemand qui vota en 1933 pour les nazis, tout en sachant exactement ce qui les attendaient. Il y avait malgré les dires, un grand nombre de citoyens, en particulier des intellectuels, qui avaient lu « Mein Kampf ». Et puis il n’y avait qu’à voir les hordes des SA dans les rues, pour se rendre compte, où cela pouvait mener. « Il en a été de même au Brésil. Jair Bolsonaro a jeté l’anathème sur les minorités, sur les homos, sur tout ce qu’il considérait être de la vermine. Il a empesté ce peuple généreux en lui inculquant l’esprit d’exclusion. » Le vainqueur du premier tour n’a pas hésité à dite, qu’il se sentait proche des militaires qui désavouent la démocratie au profit d’une dictature. Une situation que le pays a déjà vécu. « Il y a un tel sentiment d’insécurité au Brésil, que les gens ont préféré voter pour le diable, en espérant qu’il fasse le ménage ! » Ils ont bien pris note de ses diatribes, mais ont prétendu que ce n’étaient que des mots lancés en l’air, que Bolsonaro donnerait le coup de balai qu’ils attendent depuis si longtemps. « Je qualifierais cela de naïf. Mais quand la peur s’instaure, tout devient possible ! » a écrit Freud sur son ordinateur portable.

Il s’est interrompu un instant, a bu une gorgée de café et observé les clients assis autour de lui. Parmi eux probablement un nombre respectable de personnes ayant élu le FPÖ, le parti néofasciste autrichien. Et ceci de peur que leur république soit envahie « par des métèques ». Il en a été probablement de même à Rio ou à San Paulo. « Pour la décharge de ceux qui ont voté pour l’extrême-droite, il faut avouer que la violence et les meurtres ont pris des proportions invivables, que la corruption est omniprésente ! » Mais remplacer l’arbitraire criminel par l’arbitraire étatique, lui semble complètement erroné. Ce ne peut qu’être le fait d’une société malade, complètement déstabilisée. « Dans un tel cas, les faits prennent cours, sans qu’on puisse les endiguer. Lorsque la raison fait place à la haine, même les psychologues les plus aguerris ne peuvent pas faire grand-chose. Je considère le résultat de cette nuit comme un vent de panique ! » Freud n’était pas content de ce qu’il écrivait, car il avait l’impression de s’exprimer dans le vide, de ne pas trouver les réponses nécessaires. Faire une analyse lorsqu’il est pour ainsi dire vain d’esquisser des perspectives, le frustrait. Il avait l’impression de se trouver sur du verglas et d’être conscient qu’il ferait une chute, ce qui se passa peu après.

pm

https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/10/08/bresil-le-candidat-de-l-extreme-droite-frole-la-victoire-au-premier-tour-de-la-presidentielle_5366070_3222.html

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