France Telecom, aujourd’hui Orange, a connu une vague de suicides entre 2008 et 2009. Devant le tribunal devront être examinés 19 cas de mort, 12 tentatives de suicides et 8 dépressions dont un arrêt de travail. Selon la direction et les syndicats, 35 employés se sont donnés la mort. Il avait été question à l’époque d’un « dégraissage » de l’entreprise de 22.000 salariés et de 10.000 changements de métier. Je prends cette sinistre affaire comme point de départ de mes réflexions. Je pense qu’il est bien difficile de donner les raisons générales d’un suicide. Il y a souvent des prédispositions ou des tensions familiales qui sont souvent liées à l’amour, aux sentiments, à la solitude. Mais dans ce cas-là la multiplication des suicides en deux années laisse penser que les raisons majeures sont la situation au sein de la compagnie. Il ne faut pas oublier que 2008 était une année de crise économique internationale. De partout un lot considérable de mauvaises nouvelles faisaient la une des journaux, des infos à la radio et à la télévision. Une faillite une après l’autre dans le monde. L’intervention de l’État américain, par exemple, pour sauver la GM qui se trouvait au bord du précipice, a été un sacré coup de grisou. Un nombre de PME, à qui on avait d’un jour à l’autre raillé la marge de dépassement sur leurs comptes en-banque, ne purent survivre. Dans ce contexte, des employés de France Telecom croyant être menacés de chômage, supportèrent très mal la menace de débrayage, ce qui peut être une raison. Mais dans ce cas-là il y aurai dû avoir « une épidémie de suicides » dans d’autres grandes compagnies, ce qui n’a pas eu lieu. Donc nous devons nous trouver dans une situation de harcèlement psychologique.
D’après ce que je sais par mon travail de syndicaliste, il est très difficile de décrire les raisons profondes de ce genre de comportement. Il est possible de documenter des faits, mais allez prouver qu’ils ont été la cause unique d’un mal-être. Quelle en est la raison ? Comme on le sait chacun d’entre-nous réagit différemment aux pressions exercées au travail. Pour des personnes jouissant d’un bon équilibre mental, il sera possible de supporter d’une manière moins dramatique, ce genre d’agressions. Mais pour ceux qui sont des êtres sensibles, il pourrait en être autrement. Il est relativement aisé d’aller expliquer de tels comportements au tribunal ; ce qui l’est moins, c’est d’apporter des preuves que seul le harcèlement puisse être la cause d’une dépression pouvant entraîner un suicide. La défense fera tout pour prouver, que la personne concernée, était « fragile » dans son ensemble. Dans les cas que je connais, la cour a reconnu verbalement certains faits, mais n’a pas pu condamner ceux qui en étaient la cause, par manque de preuves précises. Il est vrai, que jusqu’à présent les lois étaient assez floues dans ce domaine, tout au moins en Allemagne. Je ne peux qu’espérer que l’affaire France Telecom soit l’occasion pour le Ministère de la Justice de réfléchir comment apporter plus de soutien légal aux victimes. Mais ce sera aussi un travail au niveau des entreprises de faire accepter aux personnel, qu’une bonne ambiance de travail peut être positive au niveau de la productivité.
pm