Le sociologue Jean-Marie Charon prétend que la carrière d’un journaliste est de 15 ans. La mienne a été environ de 35 ans. Vous me direz, mes amis, que cela ne compte pas pour le public. Je vous contredirai car ce fait met chaque collègue sous pression. Il doit en peu d’années essayer de gagner le plus d’argent possible afin de ne pas sombrer dans la précarité et vu l’insécurité dans laquelle il se trouve, acceptera tout ce qu’on lui demande de faire. Je crains fort que le journalisme d’opinion, comme je l’appelle de mes vœux, disparaisse ainsi. Pour ne pas mettre en danger matériellement les siens, le jeune collègue cherchera à indisposer personne. Seul ceux qui ont un pécule personnel, pourront se payer « le luxe » de dire ce qu’ils pensent. Je vous donne raison, si vous me dites, que cela n’est pas le but du journalisme d’encenser les uns et les autres de peur de perdre son job. Tout cela peut entraîner un système de pots de vin. La porte ouverte à la corruption. « Si vous voulez que je vous soit favorable, un soutien ne ferait pas de mal ! » Dans une telle situation d’insécurité, comment en serai-t-il autrement. J’abhorre évidement une telle attitude, que j’ai déjà connu en mon temps chez deux de mes collègues. Lorsque cela est devenu public, ils ont été renvoyés sur le champ, ce que je trouve normal. Si nous voulons un journalisme offensif, il doit être rémunéré en conséquence. Le reporteur doit avoir l’impression d’être soutenu, de ne pas sombrer dans le néant. Il n’est pas étonnant que dans de telles conditions la qualité en prenne un sacré coup. À force de vouloir voir toujours de nouveaux visages, la concurrence entre les journalistes devient de plus en plus âpre. Il y a évidemment le danger, que des thèmes qui réclament beaucoup de recherches, soient négligés. Mais malgré tout, ce n’est heureusement pas toujours le cas.
Cette nuit, ayant de l’insomnie, j’ai lu un article brillant, au sujet de de la corruption dans une des plus grandes entreprises de construction d’Allemagne. Il s’agissait des dessous de table qui sont de mises dans certains pays, comme les Indes par exemple. Seul en soudoyant les fonctionnaires il est possible d’obtenir des commandes. Du journalisme d’investigation de haute qualité. Ce n’est que possible, car l’hebdomadaire dont il est question, finance des recherches qui peuvent durer des mois. Ceux qui participent à de tels projets, ont une garantie de rémunération, même si l’article n’est pas publié. Il faut dire que le journaliste ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche. Comme il est permis de considérer la presse comme un organe d’intérêt public, un des pilier de la démocratie, il s’agirait de réfléchir comment s’y prendre pour qu’elle ne tombe pas en chute-libre ? Il est plus que néfaste qu’elle subisse à ce point les lois du marché. Mais c’est aussi très délicat, lorsque le journalisme est subventionné par des redevances, comme c’est le cas à la radio et la télévision du domaine public. Il y aura toujours la tendance de ne pas vouloir froisser les politiciens. Mais dans les médias libres, il en est de même en ce qui concerne les bailleurs de fonds. Mais une chose est certaine, il faut assurer un avenir aux journalistes, comme pour tout le monde au demeurant. J’ai eu de la chance de na pas avoir vécu une telle situation. Ce n’est pas drôle pour les jeunes !
pm