Lorsqu’on sait qu’un agriculteur gagne en moyenne 350 € par mois, on ne peut pas attendre de lui qu’il danse la Samba de joie. La plupart des gens lui diraient : « C’est bien simple, tu n’as qu’à… » Pensent-ils qu’ils se porteraient mieux en jetant l’éponge ? En abandonnant la terre de leurs ancêtres ? La laisser aller en jachère représenterait pour eux une trahison, un déni de leur personnalité. Dans une telle situation ils ont du mal à accepter les bons conseils, d’autant plus qu’ils viennent souvent des salons dorés, d’un monde se trouvant à des années lumières de leur situation. Lorsque Emmanuel Macron leur dit de changer les méthodes de production, de se baser sur de nouveaux produits que réclame le marché, il a probablement raison mais oublie qu’il a affaire à des personnes déprimées, qui après des années de luttes vaines, n’ont probablement plus la force nécessaire de mettre en pratique des réformes. Et puis il y a une chose qu’on oublie souvent. Tout changement met beaucoup de temps, car il est au rythme que la nature nous impose. Un exemple que j’ai déjà évoqué : Lorsque les viticulteurs du Languedoc-Roussillon ont quitté le système du vin industriel, produit par les coopératives et se sont mis à leur propre compte pour produire des AOC de haute qualité, ils ont dû arracher les plants, enlever la terre souillée par le phosphate et d’autres pesticides, puis la mettre en jachère pendant sept ans, afin qu’elle soit biologiquement propre. Puis il fallu planter de nouvelles espèces de raisins. Encore quelques années nécessaires pour commencer la production. Cela demande énormément de temps et pendant tout cela, il faut bien vivre.
On peut préconiser la vente à la ferme, mais pour cela il faut avoir les connaissances nécessaires en marketing et en gestion commerciale. Il n’est pas aisé de trouver ce qui pourrait attirer des clients. Ce sont souvent des produits finis comme le miel ou les fromages. Là aussi il faut avoir beaucoup de savoir-faire et de temps. Comme le marché est très capricieux, il faut s’attendre à des changements rapides et incessants. Ce qui était hier la panacée, peut être aujourd’hui le flop. Que d’énergie et d’investissements qui passent à la trappe. L’angélisme qui est souvent de mise lorsqu’il s’agit de la paysannerie, est insupportable pour tous ceux qui sont concernés par les problèmes évoqués. Non, le président, du haut de son Palais, a de la peine, à comprendre les problèmes psychologiques qu’il soulève. Il est confronté à une branche sinistrée qui n’a pas l’énergie de se repenser sans aides financières. Les subventions existent en masse, mais beaucoup de paysans ne veulent pas être considérés comme des assistés. L’agriculture leur confère une certaine fierté. Non, il ne s’agit pas de la petite ferme de Marie-Antoinette dans le parc de Versailles. De toutes ces rombières de la bonne société qui considèrent que le fait d’être au bon air, devrait leur donner tant de joie, qu’ils soient heureux. Il ne faut pas s’étonner que nombre de paysans se suicident. Comme vous pouvez le constater, la politique se trouve en quelque sorte dans un cul de sac. Nous n’avons pas à faire à des culs-terreux mais à des diplômés des facultés universitaires ou des écoles spécialisées. Donc à des gens en mesure de juger la situation dans laquelle il se trouvent. Ils rejettent avec raison toutes formes de romantisme lorsqu’il s’agit de l’avenir de l’agriculture.
pm