Il y a des images fortes comme la poignée de main entre le chancelier Kohl et le président Mitterrand le 22 septembre 1984 à Verdun. Ce soir la télévision allemande a montré à plusieurs reprises ces images, car aujourd’hui l’ancien homme d’État est mort à 87 ans dans sa villa d’Oggersheim, un endroit situé dans le Palatinat. Dans un documentaire il a été dit, que ce geste fort scellait l’amitié franco-allemande, sans laquelle l’avenir de l’Europe n’aurait pas été possible. Je ne reviendrai pas sur la chute du mur de Berlin, sur la réunification de cette nation qui jusque là avait été déchirée entre deux blocs, non plus sur la guerre froide, sur le rôle admirable de Mikhaïl Gorbatchev. Je veux plutôt essayer de comprendre le geste de Verdun. Il serait bon que nous prenions tous à nouveau référence à la signification que ces deux hommes portaient à la paix, car c’est ce dont il s’agit. Helmut Kohl a perdu son grand frère pendant la seconde guerre mondiale, François Mitterrand y a participé. Il est évident que de tels drames ne doivent plus jamais se passer. C’est le rôle de la politique de tout tenter pour trouver un terrain d’entente. Il y a eu trop de sang coulé pour sacrifier pour des raisons de nationalisme étriqué l’UE. Je pense qu’Angela Merkel et Emmanuel Macron prendront ce soir à cœur de tout faire pour intensifier les rapports entre les deux pays. Malgré son état de santé assez déplorable ces dernières années, Helmut Kohl a eu malgré tout la lucidité de ce rendre compte de ce qui se passait à Bruxelles, où les querelles ont été ces dernières années malheureusement à l’ordre du jour. Les deux sont parfaitement conscients qu’il est indispensable qu’un vent nouveau souffle à nouveau. Mais ce n’est pas seulement en gérant les affaires qu’on y arrivera.
Il faut mettre sur les rails de nouveaux projets qui puissent motiver les jeunes. Il en va d’abord de leur offrir des conditions d’avenir décentes. Ce n’est pas en considérant le chômage élevé comme une fatalité, qu’on suscitera de l’enthousiasme. Mais il ne suffit pas de leur donner seulement un soutien social, mais de leur donner les moyens de s’épanouir. Ma génération était celle de la reconstruction. Celle de demain sera d’adapter la société numérique à la joie de vivre. Ce n’est pas en se sentant menacé par elle, qu’il sera possible d’obtenir une paix intérieure. Ce n’est pas en tapotant constamment sur son I-phone que les jeunes pourront rompre leur solitude. Ce sont les enjeux actuels, qui sont bien plus abstraits que la guerre froide. Il faudra beaucoup d’imagination commune pour donner du libido à des gens qui se sentent exclus. Il s’agirait tout d’abord de mettre en place des conditions dignes pour tous ceux qui éprouvent le besoin de ne pas vivre dans la peur continuelle de la précarité. Ce ne sont pas dans de telles conditions qu’il sera possible de bâtir l’Europe de demain. Le chancelier défunt avait la qualité de rassurer les gens. S’ils s’étaient sentis constamment menacés, jamais l’Allemagne en serait au point où elle se trouve actuellement. Ce serait justement le rôle de ces deux nations de donner confiance et ceci aussi aux autres peuples de l’UE. C’est ce qui me vient à l’esprit ce soir. Essayer d’être plus optimiste, même s’il n’y pas lieu de l’être. Sans un peu d’utopie il n’est pas possible de déplacer des montagnes.
pm