La Turquie touchera trois milliards d’euros pour qu’elle garde le maximum de réfugiés sur son territoire et renforce sa frontière du côté de la Grèce. L’accord d’hier à Bruxelles stipule aussi, que les négociations pour une adhésion de ce pays à l’UE devraient être réactivées. En outre les contraintes du visa d’entrée devraient être allégées dès le milieu de l’année 2016. Le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu a obtenu ce qu’il voulait. Le problème épineux des réfugiés politiques a fait bouger une situation qui semblait être figée. Peut-être pas la meilleure manière d’obtenir des résultats politiques allant dans notre sens. Malgré l’entente affichée, le problème de fond n’est pas réglé pour autant. Une nation dirigée un président plus ou moins islamiste voudrait entrer dans une union formée sur la base des acquis des siècles des lumières. Recep Tayyıp Erdoğan n’est pas forcément un démocrate comme nous l’entendons. Il a démontré que la liberté d’expression ne valait pas grand chose en Turquie, en mettant sous les verrous des journalistes qui ne partagent pas ses opinions. Il n’est pas non plus passé inaperçu qu’un procureur se battant pour la cause kurde a été assassiné ces derniers jours, sans parler de la discrimination de cette communauté par le pouvoir en place. Dans la situation actuelle je ne vois pas comment ce pays pourrait accepter nos valeurs démocratiques.
Il en est autrement en ce qui concerne la géopolitique. Il est évident que tout aussi l’UE et l’Otan ont intérêt d’avoir dans leurs rangs cette grande puissance musulmane. Elle a un rôle essentiel à jouer dans le Proche- et Moyen-Orient. Sans elle il ne sera probablement pas possible d’éliminer l’EI. Ce qui se passe ici est une potion amère à avaler. Sans concessions de notre part, nous sommes sur un terrain perdu d’avance. Mais au cours des négociations il sera primordial de bien jauger la situation, qui est à géométrie variable. Les successeurs de l’empire ottomans ont la partie relativement facile, d’autant plus qu’ils sont en position de force. Comme l’ont démontré les attentats de Paris, le danger vient de cette région. La guerre que les djihadistes nous ont déclarée, est à prendre au sérieux, car elle mine les fondements mêmes de notre civilisation. Sans la carte turque, notre position pourrait être de plus en plus précaire. Avec un coup de frein porté au flux migratoire, nous pourrions nous concentrer avant tout sur l’élimination du phénomène extrémiste dans les pays arabes. Cela va dans le sens des États-Unis, qui préconisent depuis longtemps qu’Ankara soit acceptée à part entière comme membre de l’UE. N’en déplaise aux Américains, pourquoi suivrions-nous comme des montons, ce qui serait imposé par Washington ? Dans les conditions actuelles, je ne vois pas de nécessité absolue d’accepter un membre potentiel qui ne remplit pas nos conditions. À moins d’une volte-face des postions actuelles, je ne vois pas comment on pourrait arriver à un accord. Même si l’exemple peut sembler excessif, je dois penser au cheval de Troie. La Turquie serait à mes yeux la bienvenue à condition qu’elle accepte notre manière de vivre. Cela implique une réforme complète des institutions comme la justice par exemple. On en est loin !
pm