Manuel Valls veut lutter contre la droite réactionnaire, ce qui est son droit le plus absolu. Mais avec quel parti socialiste ? Pour pouvoir réussir un pari qui semble aujourd’hui presque impossible à réaliser, celui de se maintenir au pouvoir, la gauche doit se redéfinir. Est-elle compatible aux idées d’un Tony Blair ou d’un Gerhard Schröder ? Peut-elle survivre à l’heure actuelle en faisant constamment des compromis ? Ou doit-elle être pure et dure ? Une question que se pose les Anglais. Jeremy Corbyn, le candidat d’extrême-gauche du Labour, est en tête des sondages en ce qui concerne l’élection de la nouvelle direction. Il veut nationaliser des pans entiers de l’économie, rouvrir des mines de charbon, augmenter les impôts pour les riches. Une idéologie qui remonte au temps de la lutte contre la dame de fer, Margaret Thatcher. Mais il suit aussi une voie franchement anti-européenne en se ralliant aux diatribes des populistes. Un replis sur soi-même en parfaite opposition à l’Internationale. On en est pas à une contradiction près. Un retour en arrière qui ne présage rien de bon. Il en est de même aux USA dans les primaires démocrates, où Bernie Sanders préconise aux électeurs de son parti d’opter pour un modèle socialiste de la société. En France le gouvernement est attaqué par les frondeurs, qui suivraient probablement le point de vue d’un Alexis Tsipras.
Comme nous avons pu le constater, entre la théorie et la pratique il y a un grand fossé. Les adhérents des partis le savent, mais ils ne peuvent pas concevoir une société où l’utopie serait bannie, celle de la justice sociale en particulier. Ils condamnent tous ceux qui cherchent à édulcorer un message qui devrait rester conséquent au niveau du programme. Que ce dernier ne soit pas éligible pour une majorité des électeurs, ne semble pas les irriter outre mesure. Cela provoquera un déchirement de la gauche. Manuel Valls ne suit évidemment pas de telles idées. Mais sa position est d’ores et déjà affaiblie, car il ne réussira pas à colmater le PS. Nous nous trouvons face à deux modèles de société qui sont incompatibles l’un par rapport à l’autre. La preuve peut-être que l’esprit de gauche n’est pas adapté à la réalité, qu’entre la philosophie et le pragmatisme il ne peut y avoir de liens, quoiqu’en disent les stratèges. Je pense que dans l’état actuel une scission, comme celle du Syrisa, est inévitable. Cela reviendrait à dire que la gauche aurait de plus en plus de mal à se maintenir ou d’arriver au pouvoir. Cela signifierait que tout notre système de démocratie alternative serait caduque. Une érosion insupportables de nos valeurs ! Je crains que nous irons au suicide en exhumant des spectres du passé. Au lieu de redéfinir une politique de gauche en tenant compte de la situation actuelle, nous sombrons dans la nostalgie. C’est la plus mauvaise alternative pour recréer le renouveau. Une politique ringarde, même si elle a aussi ses qualités, ne peut pas enthousiasmer. L‘ État-providence a complètement échoué, car il n’a pas les moyens à pourvoir aux besoins des citoyens. La Corée du Nord devrait nous faire réfléchir ! Comme social-démocrate je suis déconcerté. D’une part l’abandon de principes essentiels, comme celui de l’égalité, de l’autre une idéologie rigoriste qui nous éloigne du pouvoir ! Que faire ?
pm