Depuis que les liens sociaux sur internet offrent à chacun une plate-forme où il est possible de s’exprimer librement, le journalisme classique doit se restructurer. Il ne pourra que survivre que s’il mène des enquêtes approfondies sur des sujets politiques, économiques ou de société. Il ne peut pas être le porte-parole de certains lobbys ou reproduire des informations sans avoir effectué des recherches. Ne nous faisons pas d’illusions. Ce n’est pas une sinécure. Pendant près de trois décennies j’ai fait ce qu’on nomme du journalisme d’investigation. Il y avait des risques à prendre tant au point de vue professionnel que dans le privé. Lorsqu’on aborde un sujet délicat, il faut se mouiller, ce qui n’est pas toujours évident lorsqu’on a une famille. On est sujet à des attaques judiciaires qui peuvent vous ruiner. Les personnes ou les sociétés concernées par de tels articles ou de tels films n’hésitent parfois pas à vous diffamer ou à vous dénoncer au fisc pour cause de détournement. Tout les moyens sont bons pour vous intimider. J’ai rencontré des collègues qui n’avaient plus de travail parce qu’ils ont fait leur travail correctement. L’ingérence de la politique ne facilite pas les choses. La plupart des publications ou des sociétés audiovisuelles sont soumises à des pressions incessantes de la part des décideurs. Officiellement rien ne sera dit contre la liberté de la presse, mais la menace de ne plus faire de pub dans un journal, « pour des raisons financières », suffit à rendre docile bien des rédacteurs en chef. C’est ce que je nommerais la censure occulte.

Il est facile de critiquer un reporteur qui se retient de tout dire ce qu’il sait, mais lorsqu’il s’agit de sa survie, on peut le comprendre. Qui de ses lecteurs ou de ses spectateurs l’aideront en cas de pépin ? Personne ! Il y a des décennies le journalisme d’opinion se démarquait plus par rapport à ce qu’on nomme aujourd’hui le « mainstream ». L’engagement politique était une question de survie. Depuis que des investisseurs de tous bords ont racheté la plupart des publications, ils peuvent faire pression en restreignant leur engagement social. Et si il y a renvoi, le journaliste concerné ne trouvera probablement pas un emploi, car les financiers sont souvent les mêmes. Et le service public ? Il devrait être indépendant, mais les partis et les milieux économiques font tout pour avoir voix au chapitre dans les décisions éditoriales. Un cercle vicieux qui étouffe toutes velléités d’indépendance. Que faire dans de telles conditions ? Il est possible, comme je le fais sur Rostra-News, d’exprimer ce qu’on ressent, mais au bout du compte personne ne peut en vivre. C’est peut-être la forme la plus honnête de pratiquer le journalisme, mais on ne peut plus parler d’une profession, car tout le monde qui en a envie peut donner son grain de sel. Il n’est pas nécessaire d’avoir appris quelque chose ! Et c’est là que les horreurs commencent. Pour faire une analyse un temps soit peu correcte d’une situation politique ou humaine, il faut avoir des connaissances. C’est ce qu’on nomme le métier ! Il fait cruellement défaut. Lorsqu’on sait que le journalisme est un pilier de la démocratie, on est en droit d’être inquiet. Il serait urgent dans une époque marquée par l’intolérance de rendre ses lettres de noblesse à une branche sans laquelle la vie quotidienne deviendrait de plus en plus restrictive. Heureusement qu’il y a des exceptions. À nous de les soutenir !

pm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Journalisme

Pierre Mathias

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