Et il veut remettre cela, le président Boutelflika, ceci malgré ses 81 ans et son attaque cérébrale. Vouloir briguer un cinquième mandat n’est pas du goût de biens des citoyens qui se sentent mis sous tutelle depuis des décennies. « Pour nous, il est mort. Il ne parle même plus à son peuple. C’est logique de se retrouver dans la rue et de sortir de notre silence », assure un étudiant. Une fois de plus la sclérose d’un pouvoir abusif prend tout un pays en otage. Mais pas n’importe quelle nation. L’Algérie est stratégiquement un rempart essentiel pour l’Afrique. Si elle défaille, elle risque d’entraîner tout le continent dans le désordre. Souvenez-vous lorsque les islamistes ont gagné les législatives le 26 décembre 1991. Le FIS avait été dépossédé de sa victoire par le FLN et l’armée. Il s’ensuit un régime autoritaire. Malgré cela Abdelaziz Bouteflika fit libérer en 2003 Abbassi Madani et Ali Belhadj , les leaders du mouvement. Je pense que la révolte du FIS reste encore bien marquée dans les esprits. Il est évident que si l’Algérie vire dans le fondamentalisme, cela ne serait pas seulement inquiétant pour la France mais pour l’Europe toute entière. Des millions de citoyens vivent chez nous et pourraient bien prendre le parti pour un changement complet de régime. Une attitude compréhensible, car la population algérienne se sent pris en otage par le FLN, qui se conduit comme un parti unique. « Si on marche, ce n’est pas contre la personne de Boutelflika, mais contre un clan qui est autour de lui, contre un système », tel l’avis d’un manifestant.
Mais une fois de plus il sera démontré que lorsque une formation s’accroche au pouvoir, il y a un risque de ras-de-marée. Et cela changerait la donne en Afrique. La situation pourrait être comparée à celle de l’Égypte, si l’opposition arrivait à chasser le pouvoir actuel, comme cela avait été le cas avec l’avènement démocratique des Frères musulmans à la tête du pays. Puis il y eut le putsch des militaires. Abdel Fattah el-Sisi devint l’homme fort au Caire. Mais il n’est pas dit qu’un tel scénario se reproduise ainsi. Si des milliers de personnes descendent dans les rues, malgré l’interdiction de manifester, c’est que le gouvernement algérien a échoué comme à l’époque Husni Mubarak en Égypte de faire démarrer l’économie, de donner plus de sécurité sociale aux citoyens. Puis de surcroît de bafouer la démocratie. Il est question de la misère qu’endure la population, du manque absolu d’avenir tant que de tels fossiles restent aux rennes du pays. Le journaliste Kamel Daoud a déclaré : Etre à la marche est une question de dignité parce que nous sommes humiliés depuis des décennies. Mais aussi parce que j’ai des enfants. Etre un ancêtre, ça se mérite ». Tout cela a un relent de Gilets jaunes, mais cette fois-ci avec bien plus de raisons de protester. Contrairement à la situation en France, où la démocratie fonctionne, les droits de l’homme sont mis à mal en Algérie. Nous en avons affaire à un régime dictatorial, même s’il s’est roulé comme le loup du Chaperon rouge dans de la farine. Que penser de tout cela du point de vue européen ? Je crains que nous nous trouvons face à une poudrière qui risque d’exploser d’un moment à l’autre. Le FLN ferait bien faire entendre raison à son président en l’enjoignant de ne pas se représenter. Mais il perdrait la face et finalement le pouvoir !
pm