Edmond Simeoni, le père du nationalisme corse, est mort hier à l’âge de 84 ans. Dans les années 90 je l’avais interviewé dans sa maison et ai gardé le souvenir d’un homme pondéré. Il avait fait des études de médecine à Marseille et était un des précurseurs de l’écologie et de l’autonomie régionale en Europe. Ce sont ces deux sujets que je veux évoquer dans mon article de la nuit. La Corse a su sauver son environnement, ce qui est rarissime en Méditerranée. Les citoyens de l’Île de beauté ne se sont pas laissés tentés par le tourisme de masse, prenant en compte un grand manque à gagner. C’est tout à leur honneur. Le nationalisme corse ne peut pas se concevoir sans cet amour pour la nature et du patrimoine. Les insulaires ont inventé bien avant l’heure le tourisme vert, qui aujourd’hui entre de plus en plus dans les mœurs. Lorsque j’ai traversé les forêts corses, j’ai eu une idée de ce qu’avait été la nature aux siècles derniers. Le respect apporté par les habitants à son encontre m’ont fait réfléchir. Lorsque je vois à quel point les Alpes ont été souillées par l’appât du gain, j’ai eu l’impression d’y trouver le bon sens. Celui qui devrait nous inciter à ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Je me souviens qu’Edmond Simeoni m’avait parlé de la responsabilité des Corses en ce qui concerne le refus de se laisser acheter par des promoteurs, comme cela a été le cas sur la Côte d’Azur entre Antibes et Nice. Il n’était en aucun cas un homme du passé en prétendant que les hommes ne pouvaient que trouver leur assise dans un cadre de proximité.
Cela rejoint assez bien ce que les écolos déclarent aujourd’hui en parlant par exemple du commerce équitable. Il faut avoir un lien viscéral avec ses terres, les sentir, les aimer. Ce n’est que ce qu’on voit de près qui vous touche vraiment. Lorsque des immeubles sont construits en rase-compagne, je le ressens comme une blessure. Cela a été le cas dans mon village dans le Pays de Gex. J’avais un endroit, où chaque matin à l’aube je faisais ma marche. Lorsque des promoteurs ont tout détruit pour y construire des clapiers, j’ai eu mal. Si j’avais habité en permanence à Prévessin, je me serais élevé contre cette intrusion malveillante. Je pense que c’est un des message qu’à voulu faire passer le Dr. Simeoni. Lorsqu’on prend le nationalisme corse sous cet aspect, il y a de quoi réfléchir. Je suis contre la violence qu’il engendre encore aujourd’hui, mais je pense qu’il serait trop simple de le rejeter dans tous ses aspects. Je lui avais dit que j’étais contre la sécession de la Corse par rapport à la France, car sans le soutien du pays tout entier, l’Île de beauté serait aujourd’hui souillée par le tourisme de masse. Afin de survivre, il faut avoir des revenus. Ce n’est pas l’agriculture à elle seule qui donnera de quoi vivre décemment à ses habitants. Je pense qu’il ne faille pas sous-estimer ce point qui pour moi est essentiel. Avec son statu actuel, je pense qu’elle peut bien vivre. Les nationalistes sont majoritaires à l’assemblée régionale et sont en mesure de gérer la Corse d’après leurs idées. Malgré certaines réticences, je pense que ce modèle est digne d’être repris par d’autres régions, comme la Catalogne par exemple. Le point de départ d’une nouvelle Europe plus solidaire peut-être ?
pm