Personne ne pourra reprocher à François Fillon d’afficher sa foi. La liberté de croyance est une des constantes les plus importantes de la démocratie. Mais il est permis de s’opposer à une mainmise de la religion dans les affaires politiques. Pour que cela soit clair, je crois en Christ et suis prêt à l’affirmer malgré mes convictions de gauche. Mais je suis aussi conscient de la situation actuelle, où la foi est souvent manipulée à des fins étatiques. On ne peut pas reprocher à un islam militant de provoquer un déséquilibre dans une société et en même temps lui opposer un fondamentalisme chrétien dépourvu de toute tolérance comme c’est le cas aux États-Unis. C’est la raison pour laquelle je suis un farouche partisan de la séparation de la religion et de la politique, tout au moins lorsqu’il s’agit du pouvoir. Porter la bannière de Jésus pour gagner des élections me rend mal à l’aise. Je ne dénie en aucune manière le droit à François Fillon de calquer ses vues sociétales sur ses convictions religieuses, mais je ne veux pas que cela touche la pluralité de la France. Vouloir opposer au terrorisme islamiste un catholicisme dur et pur, n’entrerait en aucune manière dans les vues du Pape François. Il s’opposerait probablement à ce que la croyance soit employée à des fins opportunistes comme celle de briguer un poste important.
Je me suis entretenu il y a quelques années avec le cardinal Lustiger à Lourdes, où je l’avais interviewer au sujet de la laïcité pour la télévision allemande. Il était farouchement opposé à faire l’amalgame entre l’Église et l’État. La force de la religion était de son avis, de garder toute son autonomie face au pouvoir politique. Il considérait qu’elle devait être très critique face au système et mettre le doigt sur les injustices que le pouvoir pouvait engendrer. Il était scandalisé par la pratique allemande d’obliger les citoyens de payer des impôts ecclésiastiques obligatoires, s’ils appartenaient à une des deux grandes religions. Comment peut-on attendre que dans de telles conditions elles se mettent en travers face au pouvoir, s’inquiétait-il ? Je suis convaincu que dans les temps qui courent il faut absolument que le spirituel garde sa pureté et ne s’implique pas dans les affaires courantes d’une manière institutionnelle. Cela ne veut en aucune manière dire que l’esprit critique soit mis en veilleuse, au contraire. L’Église a le devoir en toute indépendance de clamer haut et fort, ce qu’elle condamne. Mais ceci en dehors de toute mainmise politique. Je crains que François Fillon polarise ses adeptes dans un mouvement plus ou moins clérical, qui aboutira qu’il le veuille ou non à l’exclusion. S’il lisait ces lignes il démentirait de telles intentions. Il serait même possible que cela soit le cas. S’il était élu président, il devrait prendre en compte la diversité de la France et ne pas polariser son action sur une frange bien précise de la population comme l’a fait Donald Trump. Il est normal qu’au sujet de l’IVG par exemple il est permis d’avoir des idées différentes, mais en jetant l’anathème on ne réglera rien. J’ose espérer que comme bon chrétien, le candidat probable du PR se remette constamment en question, comme l’évangile le prescrit et qu’il ne fasse pas « dire » au Christ, ce qu’il n’a pas dit. Qu’il soit tolérant, je ne demande pas plus !
pm