Il est difficile de s’imaginer le sort des habitants de Mossoul. Ils sont pris au piège par les forces de l’EI d’un côté, de l’autre ne peuvent pas quitter la ville car elle est encerclée. Au nord les peshmergas kurdes, ailleurs l’armée irakienne et des milices. D’un million à un million et demi de civils seraient prêts à se réfugier en dehors des terres prises par les terroristes. Ils craignent avec raison qu’ils soient pris en otage et servent de rempart humain au front. Parmi eux des sunnites qui ont aidé les fous de Dieu pour se venger des chiites. Je vais tenter de me mettre à la place d’un tel malheureux. De se dire que la seule alternative soit de prendre ses claques et de quitter la ville, doit être terrible. Ceci d’autant plus que tout le pourtour de la métropole est miné. Dans un tel cas je ne peux qu’être perdant. Puis il y a la disette, le manque de médicaments et de soins médicaux. Dans une telle situation, seule la mort est une issue. Mais il n’est pas dans la nature humaine d’envisager forcément le suicide. Dans l’islam c’est un péché capital. Sera-t-il dans un cas pareil obligatoire de me soumettre à mon destin ? Et même en admettant que par miracle je puisse sauver ma peau et celle des miens, qu’adviendra-t-il après ? L’Irak et la région ne seront guère en mesure de recevoir décemment tous les réfugiés. Y aura-t-il à nouveau un flux de migrants espérant se rendre en Europe ? C’est à prévoir, mais dans la situation actuelle il faut douter qu’ils soient reçus à bras-ouverts. Même dans l’Allemagne d’Angela Merkel il y aura des limites à ne pas dépasser. Je ne pourrais que constater avec frayeur que personne ne voudra de moi, que je serai à tout jamais un paria.

Je suis assis bien au chaud en France et écris cet article. Autour de moi que du calme. Les nouvelles de ce matin sur Le Monde parlent avant tout de l’évacuation de la jungle de Calais. Plus de 6000 personnes seront réparties sur tout le territoire national. Les réactions autour de moi sont vives. C’est comme si on revivait la bataille de Poitiers. Que sont ces 6000 migrants à côté des millions qui n’auront qu’un choix : quitter leur terre natale. C’est dérisoire et marque bien le dilemme dans lequel nous nous trouvons tous. La reconquête de Mossoul nous concerne, que l’ont veuille ou non. Et si nous parlons de nos valeurs chrétiennes, l’aide apportée à tous ceux qui sont au bord du gouffre, est une des lois les plus importantes de l’Évangile. En suivant à la lettre la parole du Christ, il est tout à fait inconcevable que nous ne nous occupions pas de ces malheureux. Mais il en est malheureusement pas ainsi. Un grand nombre de citoyens allant régulièrement à l’église prononcent des paroles incendiaires contre tous ceux qui demandent notre aide et ceci au nom de nos valeurs. Bien que la peur soit compréhensible, une telle attitude est parfaitement incompatible avec la parole de Dieu. Je crains que le calvaire de Mossoul augmentera encore plus cet esprit de rejet, que les cœurs de refermeront plus que jamais. L’habitant de cette ville assiégée que je suis pour un court instant, ne peut qu’espérer mourir décemment. Il n’y a pour ainsi dire pas d’autres alternatives. C’est effrayant d’être considéré partout comme de la chaire à canon. Mettez-vous enfin à sa place !

pm

http://www.lemonde.fr/international/article/2016/10/21/une-crise-humanitaire-s-annonce-a-mossoul_5018307_3210.html

Pierre Mathias

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