Lorsque des autocrates veulent renforcer leur pouvoir, ils essaient souvent de mettre l’esprit sous cloche. C’est exactement ce qu’essaye de faire Recep Tayyip Erdoğan. En interdisant aux universitaires tout départ à l’étranger, il se ridiculise. On pourrait en rire si les faits n’étaient pas aussi tragiques. Un être imbu de soi, ne peut pas accepter que de grands esprits se posent des questions à son sujet et l’attaquent de front. Après de multiples arrestations, la volonté de réintroduire la peine de mort, voilà l’état d’urgence qui lui donnera la possibilité d’étendre encore plus la répression. Ne mâchons pas les mots, nous allons tout droit dans ce je nommerais la dictature. Pour le président, seuls tous ceux qui le soutiennent sont des démocrates. Les autres feraient mieux de se calfeutrer chez eux, car il est par les temps qui courent très malsain d’être d’un autre avis. Et la foule ? Elle suit aveuglément les directives et ne se pose guère de questions. Je trouve cette évolution tragique. Le putsch est venu à point donné pour agir ainsi. Je condamne toute prise de pouvoir comme celle que l’armée a tenté de faire. La voix du peuple est la seule qui compte dans une démocratie, pas celle des militaires. Mais j’aurais souhaité un peu plus de souveraineté de la part d’Erdoğan, mais il serait naïf de croire qu’un homme de ce gabarit puisse agir ainsi. Et nous ? Nous sommes dans une situation de totale impuissance. La seule chose que nous puissions faire c’est de rompre les négociations entre la Turquie et l’UE. Qu’aurait-on à dire dans un tel imbroglio ? Il s’agirait de montrer plus de force, mais nous aussi sommes dépendants. Le gouvernement d’Ankara peut à tous moments chasser les migrants qui se trouve sur le territoire et rendre caduque le traité mis-en-place concernant cette question. Le président le sait et est en mesure de nous faire chanter. Une position de départ totalement inconfortable pour l’occident. Malgré les menaces, j’attends une réponse claire et nette de la part des chancelleries européennes.

Nous ne sommes pas loin de l’autodafé des livres comme c’était le cas dans l’Allemagne hitlérienne. Ce qui s’ensuivit était le massacre de millions de personnes. Des juifs, des bohémiens, des homosexuels ou tout simplement des résistants sont passés ainsi à la trappe. Il n’y a malheureusement pas de garantie que « la colère populaire » n’agisse pas de même. Et comme on le sait, c’est le meilleur moyen pour un politicien de s’imposer. Ce qui se passe est en parfaite opposition aux thèses de l’OTAN. Cette union a été créée pour défendre les libertés, pour assurer aux peupless les droits de l’homme, la libre parole et le respect mutuel. Est-ce possible de garder en son sein un membre qui bafoue ainsi ces principes ? Je ne critique pas le fait que des responsables d’un coup d’État en portent la responsabilité et se voient soumis à des procédures judiciaires, mais ces dernières doivent être justes. La mise au pilori arbitraire de soi-disant putschistes, comme nous pouvons l’observer actuellement, est une atteinte à nos principes fondamentaux. Mais au lieu de condamner trop radicalement de tels méfaits, nous nous plierons à l’arbitraire pour des raisons stratégiques. Cela fait mal, mais c’est réaliste.

pm

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/07/20/la-derive-autoritaire-se-poursuit-apres-le-putsch-rate-en-turquie_4972405_3214.html

Pierre Mathias

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