Mardi 3 novembre, Manuel Valls a déclaré devant des étudiants de sciences po : « ce journal de l’après-midi qui nous rend triste à chaque fois qu’on le lit, mais que l’on lit quand même parce que l’on nous a appris à le lire quand on était petit  ». Cette remarque a perturbé les rédacteurs du Monde. Il est vrai qu’il est de plus en plus insupportable de lire un journal. Chaque jour une myriade de mauvaises nouvelles nous assaillent. Elles démontrent à quel point nous sommes impuissants face aux événements. Il est vrai que la vague virtuelle a encore augmenté ce sentiment. Dès qu’il se passe quelque chose, peu importe où, nous sommes informés. Souvent des données brutes, que nous sommes pas en mesure de jauger. Le rôle d’un quotidien consiste à faire des analyses ; bien moins de transmettre des informations brutes. L’internet s’en charge. Je pense que le Monde remplit très bien cette fonction, mais il est dépendant de ce qui se passe et peut en aucun cas enjoliver une situation qui est de plus en plus sinistre. Le politicien qu’est Manuel Valls devrait le savoir. Seule la politique, et ceci dans un cadre de plus en plus limité, a le pouvoir de mener la barque dans une direction meilleure. Mais il faut malheureusement reconnaître que son pouvoir s’amenuise de plus en plus, laissant la place à des apprentis-sorciers. Ces derniers, par voies médiatiques, essayent de manipuler les foules. La presse dans son ensemble leur donne un forum, parce ce que le populisme est un atout commercial.

Lorsqu’un écrivain célèbre en Allemagne déclare devant des partisans du Pegida à Dresde, qu’il est regrettable qu’il n’y ait plus de camps de concentration pour y fourrer les migrants, il est à la une. C’est plus porteur que de présenter des cas positifs d’entre-aide. Mais attention, ce n’est pas aux organes de presse, de faire des sélections. Ils sont tenus de communiquer ce qui se passe. On peut regretter que le marketing et la communication prennent un tel poids. Chaque journal est forcé de savoir ce que ses lecteurs veulent lire. Contrairement au Monde, qui a un haut niveau éthique, nombre de quotidiens misent sur le sensationnel et attisent ainsi la polémique. Ils ont le pouvoir de décider qui ils veulent recevoir pour une interview. Il est clair que lorsqu’ils invitent des frontistes, ils doivent s’attendre à de la polémique. Ils doivent le faire, mais sont dans l’obligation de les contrecarrer. Le catalogue des questions doit être élaboré avec le plus grand soin. Cela implique que le journaliste ne peut pas être neutre. Il ne peut plus transmettre des informations sans lui-même s’impliquer dans le débat. Vous l’avez deviné, je suis partisan d’un journalisme engagé. C’est exactement le rôle que doit jouer un périodique. Dans le contexte actuel, mes collègues ne peuvent pas rester neutres. Qu’ils montrent de la couleur, quitte à ce que la rédaction décide de donner à un autre journaliste, ayant une conception différente du sujet, un droit de réponse. Plus que jamais la presse joue un rôle politique et doit s’y impliquer. Elle seule est en mesure d’exercer un contrôle sur l’exécutif. Et ceci consiste à ne pas mâcher ses mots. Je pense que le Monde, par son sérieux, remplit exactement ce rôle. C’est pourquoi il est respecté.

pm

http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/07/le-monde-a-manuel-valls-adieu-tristesse_4805205_3232.html

Pierre Mathias

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