Recep Tayyip Erdogan mène sa campagne électorale à Strasbourg. Il n’a aucun complexe à s’adresser aux membres de la diaspora turque en dehors de son pays et de faire de la politique intérieure, à l’étranger. 12 000 personnes sont venues l’applaudir. Cette manière de faire me gêne considérablement, d’autant plus que son discours est en premier lieu adressé contre les Kurdes de toutes obédiences. Il n’a pas seulement fustigé le PKK. Il ne manque pas une occasion pour nous faire comprendre qu’il est un nationaliste, n’ayant aucun scrupule à discriminer cette minorité. Je trouve que de tels propos n’ont pas leur place dans l’UE. Mais il est en position de force par rapport à nous. Le flux des immigrés ne tarit pas. Une majorité d’entre-eux transitent aujourd’hui par la Turquie pour atteindre la Grèce. Erdogan sait parfaitement bien, qu’à la longue nous aurons des conflits intérieurs à ce sujet, que nous sommes tenus à réduire l’arrivée des réfugiés. Si le gouvernement turc bouclait ses frontières à l’Ouest, cela nous rendrait service. Mais il n’est pas prêt à le faire sans de grandes concessions de notre part. Serions-nous pris en otage par ce politicien avide de pouvoir ?

Mais dans tout cela nous ne devons pas oublier que près de 2 millions de personnes se sont réfugiées en Turquie. Un nombre considérable. Sans une aide financière de la part de Bruxelles, rien ne se fera. Mais ce n’est pas tout ! Il demande un soutien politique, un feu vert pour les actions qu’il entreprend contre les Kurdes. Tant qu’il n’obtiendra pas satisfaction, il n’a pas de raison d’agir autrement. Je crains que le Président nous entraînera dans une voie que nous ne pouvons en aucun cas soutenir. Ne nous faisons pas d’illusions, elle va en contresens par rapport à nos idéaux démocratiques. Des millions de citoyens sont soumis à la répression. Qui ne se tait pas peut avoir des ennuis. Un sauve-qui-peut par rapport à l’immigration, ne favorise pas comme nous le constatons, l’équité. Je ne sais pas jusqu’où nous irons afin que la Turquie mette un frein à l’exode. Pour la géopolitique européenne une telle attitude risque de déstabiliser un équilibre plus que précaire dans le pourtour méditerranéen. Il serait à mon avis fatal d’agir aveuglément et d’ignorer les conséquences à long terme que peut entraîner des concessions face à un régime qui se veut de plus en plus autoritaire. Non, notre rôle serait de s’élever contre toutes formes d’exclusion, comme elle se pratique de plus en plus aux abords du Bosphore. Le rôle de la politique extérieure de l’UE serait de montrer plus de perspicacité et de ne pas se laisser entraîner par la panique. Recep Tayyip Erdogan est assez habile pour savoir quels avantages il peut tirer de cette situation. Il sait qu’il peut obtenir des avantages inespérés. S’il était prêt à agir dans notre sens, le prix sera terriblement élevé. Lorsqu’il parle de la lutte antiterroriste il pense avant tout au PKK, pas à l’EI. Il ne fait aucun doute que son engagement contre les islamistes sera limité, car eux aussi tuent les Kurdes. C’est tout à son avantage ! Une fois de plus l’Europe n’aura aucun complexe de faire massacrer une minorité pour s’assurer certains avantages. De la realpolitik que je trouve abjecte. Qu’on se le dise !

pm

http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/10/04/a-strasbourg-l-appel-a-l-unite-turque-d-erdogan-devant-la-diaspora_4782282_3214.html

Pierre Mathias

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