La rémission d’une jeune femme ayant été contaminée dès sa naissance par le Sida et ceci sans traitement, est certes une bonne nouvelle. Mais ce n’est pas le premier cas de cette nature. Au cours de ma carrière à la télévision j’ai tourné pas mal de films sur cette plaie. J’ai rencontré une famille où le virus était en train de tuer tous ses membres. La cause : une transfusion sanguine souillée. À cette époque la mort était à portée de main. Grâce aux médicaments l’échéance d’un décès a pu être repoussée d’un grand nombre d’années. C’est un grand progrès. Mais malgré tout il ne faut pas se faire d’illusions : la maladie n’a pas été éradiquée. Je me souviens de l’espoir que les chercheurs avaient placé dans de nouvelles méthodes et de la déception des malades lorsqu’ils apprenaient l’échec de ces expérience. La lutte contre le VHI a démontré qu’il ne faut pas crier victoire trop vite. Vivre aujourd’hui avec le virus en soi est devenu plus simple, mais cela ne veut pas dire que l’espoir d’une guérison complète est à portée de main. La mutation constante du virus rend toutes tentatives de solutions assez aléatoires. Il faut se rendre à cette évidence. La jeune femme dont il est question dans l’article du Monde, ne montre plus des symptômes inquiétants, mais personne ne peut garantir qu’elle ne porte plus en elles les germes du Sida. Son sang est à première vue « propre », mais qui peut garantir que cela restera définitif.
Ce genre de nouvelles a aussi un effet pervers : le relâchement des mesures de sécurité pour se prévenir contre le VHI. Il ne fait aucun doute que les relations sexuelles sont encore la principale cause de contamination. Tout relâchement de ce côté-là peut entraîner une recrudescence de cette épidémie. Il faut rester vigilent. Au cours de l’histoire il y eu de grandes vagues dévastatrices provoquées par des virus. Je pense en particulier à la peste qui a décimé des populations entières. Mais aucunes de ces maladies n’a eu un tel impact sur les mœurs de notre société. Tout le comportement relationnel a été bouleversé. La peur d’attraper le Sida hante des générations entières. Plus personne ne peut se laisser aller. Plus de folie, si on veut éviter le pire. Tout au début de ce fléau, nous avons accueilli à la rédaction un psychologue et sociologue californien. C’était l’époque où les premières nouvelles catastrophiques nous parvenaient de Los Angeles. Les homosexuels étaient mis au pilori. La société les accusaient de propager l’épidémie. Il s’en est suivi des mesures discriminatoires comme celles proposant de les mettre en quarantaine dans camps entourés de barbelés. Notre hôte a été le premier à attirer notre attention sur les méfaits psychologies qu’entraînaient le VHI. Il a parlé de discrimination et n’a pas eu tort. Tous ceux qui étaient à l’époque contaminés étaient plus ou moins criminalisés, ce qui est un scandale. Les choses ont peut être évolué, mais la suspicion reste profondément ancrée dans les têtes. J’appelle de tous mes vœux que cette terrible maladie soit enfin vaincue, mais je ne me fais pas trop d’illusion. On arrivera à la rendre de moins en moins mortelle, ce qui est déjà le cas aujourd’hui, mais je ne pense pas que je vivrais une telle victoire. C’est bien regrettable !
pm