Comment se fait-il qu’un homme comme moi, ayant fait partie d’une commission devant régler la question des droits d’auteurs dans le contexte de sa chaîne, soit opposé à la directive concernant la propriété intellectuelle sur internet, qui a été adoptée hier au Parlement européen ? Je suis évidemment en tant qu’auteur de l’avis que tout travail effectué pour le grand public doit être rémunéré. Nous ne pouvons pas faire venir le plombier sans le payer, ce qui est clair pour tout le monde. Il doit aussi en être ainsi pour les « créatifs » qu’il soit dit. Mais c’est la manière de prélever les fonds et le choix des bénéficiaires qui me fait mal au ventre. Je trouve l’emploi de filtres automatiques qui feraient une sélection des contributions plus que douteux. Il est possible de les programmer à sa guise, ce qui pourrait être un frein considérable à la liberté d’expression. Sur Facebook il y a un tel système pour écarter tous messages discriminatoires. Il se base sur certaines expressions mais ne peut pas tenir compte dans quel contexte elles ont été écrites. Deux de mes textes satiriques ont été ainsi écartés. Il s’agissait d’une attaque acerbe contre les agissements des néonazis. J’ai employé les phrases qu’ils emploient pour marquer leur haine. Ceci dans les deux premières strophes d’un poème. Dans la troisième je les attaque de front. Comment voulez-vous que les algorithmes puissent reconnaître ces nuances ? Cette sélection automatique est de la censure, car elle ne peut pas faire la différence. Je crains qu’il en soit de même pour la directive des droits d’auteurs. L’autre pierre d’achoppement est le choix des destinataires des droits récoltés. D’après ce que j’ai bien compris, ce seraient avant tout les éditeurs et les producteurs. J’émets des doutes que l’argent revienne aux ayant-droits, les auteurs ou les interprètes en ce qui concerne la musique ou le cinéma dans son ensemble. Dans le cadre de l’UER, l’organisation européenne des chaînes de télévision et de radio, la question des droits d’auteurs préoccupe les spécialistes depuis des décennies.
J’ai participé à des colloques qui avaient pour but de tracer des pistes pour régler ce problème épineux. Je pense qu’il aurait été plus équitable de prélever chez tous les internautes une cotisation mensuelle afin de créer un fond soutenant la création. De l’argent qui devrait être géré par les organisations professionnelles comme la Secam en France ou la Gema en Allemagne. De l’argent communautaire rémunérant par exemple de jeunes auteurs. Il nous a semblé vain de vouloir appliquer un système de rémunération individuel, qui demanderait une logistique monstrueuse, coûtant les yeux de la tête. Au bout du compte le système dévorerait tout l’argent récolté. Je suis parti plutôt de l’idée qu’il serait ainsi possible de financer des projets qui ne verraient pas le jour faute de moyens financiers. Je trouve négatif que le Parlement européen ait refuser d’amender certains paragraphes, ce qui aurait pu améliorer la directive. Pourquoi tout à coup une telle précipitation ? Je donne raison au détracteurs de cette initiative lorsqu’ils prétendent qu’elle est la porte ouverte à plus de censure. À cause de cela je souhaiterais que le Conseil Européen revoie sa copie. Tout en marquant sa volonté de rémunérer les auteurs, il faut en changer le modus !
pm