Il était temps ! Depuis le premier janvier le salaire minimum en Allemagne est de 8,50 € de l’heure. 90% de la population approuve cette décision. Seuls certains milieux économiques et politiques condamnent cette mesure, la considérant comme étant un frein à l’essor financier de toute une nation. Pendant des années le « miracle allemand » a été financé en partie sur le dos des plus démunis. Des branches entières, en particulier dans les nouveaux länder, payaient leurs salariés de 3 à 4€ de l’heure et trouvaient tout à fait normal que leurs employés vivent dans la précarité. Ceux qui n’arrivaient pas à tourner – l’énorme majorité – pouvaient demander aux Job-Center (bourse du travail) de combler le reste. Une fois de plus c’était le peuple tout entier qui casquait au profit des négriers. Une situation impossible, aussi du point de vue constitutionnel. Le nouveau tarif ne fera pas des miracles, mais c’est un premier pas dans la bonne direction. Faire des travailleurs des assistés est une solution des plus bancales. Elle incite tous ceux qui se retrouvent dans un tel contexte, de réclamer de plus en plus à l’État. Le travail dans de telles conditions est un leurre. Ne vaut-il pas mieux vivre à l’aide de prestations sociales ? Il n’est pas rare de tomber sur des gens qui se voient dans l’obligation de faire plusieurs jobs à la fois. Une course incessante pour ne pas plonger dans l’opacité. En parallèle à tout cela, nous avons une économie qui roule merveilleusement bien, des actionnaires qui se remplissent les poches et un gouvernement qui prélève de plus en plus d’impôts. Le prix pour obtenir un tel succès laisse songeur. En Allemagne il y a un grand nombre de retraités qui n’arrivent pas à vivre de leurs rentes, des enfants qui vont à l’école le ventre creux, des chômeurs de longue durée sans une chance de se sortir d’affaire. Ce sont les sacrifiés au nom des statistiques. C’est là où il faut faire attention lorsqu’on veut comparer la situation de la France à celle de l’Allemagne. L’agenda 2010, mis en place par le Chancelier Gerhard Schröder – aurait déclenché une révolution chez nous parce qu’elle est profondément injuste. Elle a certes donné un coup de fouet à une économie vacillante, mais a ignoré les destins individuels. Par bien des aspects je la trouve inhumaine, même si elle a permis de créer de l’emploi. Par elle les riches sont devenus plus riches, les pauvres plus pauvres. Est-ce la bonne méthode pour briller dans le contexte international ? A-t-on oublié que de générer de l’argent doit en premier lieu profiter à tous ? C’est ce que je nomme la solidarité. Les difficultés que nous connaissons actuellement en France proviennent en partie à cause de cela. Les droits de l’homme ont encore la priorité même s’ils freinent la relance. Trop d’humanisme nuit au profit ! Peu importe, il en va tout d’abord de la dignité humaine. En Allemagne elle a été dans bien des cas bafouée. Cela rend son bilan trompeur. On devrait en prendre de la graine !

pm

http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/12/31/le-smic-entre-en-vigueur-en-allemagne_4547964_3234.html

Pierre Mathias

Il y a déjà deux jours que le Président a souhaité la bonne année à la France. Un exercice obligatoire pour tous chefs d’États. Il l’a fait d’une manière classique sans présenter de nouveaux projets. Il table sur l’acquis ou ce qu’il nomme ainsi et ceci d’une manière ferme. Loin de lui toutes formes de résignation ! L’audace est le maître-mot de cette intervention. Donner l’impression de tout contrôler pour cacher le désarroi dans lequel se trouve le pays ? D’insuffler à une nation souffrant de dépression un air d’optimisme ? Il y a de cela mais aussi autre chose. François Hollande n’a pas caché que les difficultés pour remonter la pente ne sont pas estompées, au contraire. C’est un langage offensif, comme on le tient dans des situations périlleuses, qui a été choisi par lui. Il sait parfaitement bien que sans l’apport de la population, toutes mesures d’assainissement n’ont aucune chance d’aboutir. Que l’aspect technique des réformes ne remplacera jamais la motivation. Et c’est ici que le bât blesse. Les gens ne se sentent plus en sécurité, ils ont peur de l’avenir. Dans un tel état d’âme il est difficile de faire bouger les choses. Se complaire dans l’immobilisme est du venin. Une attitude bien connue des psychologues qui côtoient toujours à nouveau des patients qui se réfugient dans leurs lits et tirent le duvet sur leur tête. Ne surtout plus voir la réalité. Dans de tels cas les paroles prônant la raison n’ont guère de prise. La malade se barricade dans son univers désaxé et est dans l’incapacité de réagir en conséquence. Soyons justes, le Président n’avait pas d’autres alternatives que de choisir ce ton, d’invoquer le génie de la France. Du point de vue thérapeutique l’effet ne peut qu’être décevant. Lorsque le moral n’y est pas, comment faire appel à des forces nouvelles ? Ce qu’il faut aux gens, ce sont des résultats tangibles, l’impression qu’il y a une sortie de crise. Ce n’est pas avec de belles paroles qu’on atteindra ce but. Pour l’instant il n’y a que des mesures dont les résultats sont plus ou moins imprévisibles. Il faut de la patience, mais le peuple n’en a plus. C’est ce qui rend la démarche de François Hollande si difficile. La plupart des nouvelles lois vont dans le bon sens, mais il faut beaucoup de temps pour apercevoir enfin des horizons meilleurs. Dans une époque ou l’extrême rapidité est un signe d’efficacité, cette lenteur ne fait qu’exaspérer les électeurs. Qu’on le veuille ou non ils voteront pour tous ceux qui prôneront le changement, même si c’était une descente en enfer. Les apprentis-sorciers ont malheureusement le vent en poupe. Que dire alors de cette allocution ? Elle me fait penser à un capitaine qui essaie de calmer les esprits pendant que son bateau prend de l’eau. Un plaidoyer pour la méthode Coué ? En quelque sorte oui, car il faut à tout prix éviter la panique. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter les paroles présidentielles. Il ne pouvait vraiment pas faire autrement. Mais ne vaut-il pas mieux sabler le champagne ?

pm

http://www.liberation.fr/politiques/2014/12/31/voeux-2015-hollande-en-appelle-a-l-audace-contre-la-nostalgie_1172459

Pierre Mathias

Foto

In ZEIT ONLINE è stato riferito sulle fotografie del fotografo Moises Saman. Le aveva scattato nel corso del anno 2014. Qualcosa è saltato all’occhio: la maggior parte, le dalle aree di crisi, erano in bianco e nero. In una delle foto si trova una bambina con grandi occhi guardando impaurita nella macchina fotografica. I rifugiati nel loro cammino verso la distribuzione di cibo, da qualche parte in Iraq. Salto in tempo: oltre 42 anni fa! I bambini piangendo su una strada in Vietnam; una ragazza nuda. Dietro le truppe statunitensi. 8 Giugno 1972. Questa immagine è stata scattata da Nick Ut, che ha vinto il Premio Pulitzer nel 1973. La fotografia si mette in mente di ognuno che lo ha visto allora nel giornale (Gisèle Freund nel 1979). E così è: la sofferenza dei bambini in guerra si mette in mente, la paura è nuda. Eppure 42 anni tra le due fotografie. Mi chiedo se qualcosa è cambiato. Non proprio. Le fotografie hanno una somiglianza spaventosa.

Fotos

In ZEIT ONLINE wurde über die Bilder des Fotografen Moises Saman berichtet. Er hatte sie im Laufe des Jahres 2014 geschossen. Eines fiel dabei auf: die meisten, aus Krisengebieten, waren schwarz-weiß. Auf einem der Fotos schaut ein kleines Mädchen mit großen Augen verängstigt in die Kamera. Flüchtlinge auf dem Weg zur Essensausgabe, irgendwo im Irak. Zeitsprung: vor über 42 Jahren! Weinende Kinder auf einer Straße in Vietnam; ein Mädchen nackt. Dahinter US-Truppen. 8. Juni 1972. Dieses Bild wurde von Nick Ut aufgenommen, der 1973 dafür den Pulitzer-Preis gewann. Das Bild hat sich in das visuelle Gedächtnis eines jeden gebrannt, der es damals in der Zeitung sah (Gisèle Freund 1979). Und so ist es: das Leid der Kinder im Krieg brennt sich in das Gedächtnis, die Angst ist nackt. Und doch: 42 Jahre liegen zwischen den beiden Bildern. Ich stelle mir die Frage, ob sich den etwas geändert hat. Eigentlich nicht. Die Fotos haben erschreckende Ähnlichkeit.

© Thomas Dietsch

Peut-être pas le meilleur sujet pour fêter la nouvelle année. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser aux 141 500 personnes sans domicile en France. Jusqu’au 28 décembre 428 SDF sont morts dans la rue, souvent de froid. Une honte ! Je crains fort qu’avec la crise que nous connaissons les statistiques futures seront à la hausse. Les victimes ne sont pas seulement des asociaux, loin de là. Souvent des gens issus des classes moyennes ayant perdu leur boulot, leur famille et qui par désespoir croient pouvoir survivre grâce à l’alcool. Des destins tragiques où la solitude, le manque de solidarité et l’indifférence les poussent dans un cul-de-sac. Certains d’entre-eux refusent l’aide de la communauté, ne veulent pas perdre ce qu’ils considèrent comme étant leur liberté. Souvent des dépressifs qui n’ont plus la force de nager à contre-courant. À minuit on a sablé le champagne, ouvert la boîte de foie gras et fait éclater des pétards. Tout cela au nom d’une nouvelle année que nous souhaitons évidemment prospère. Lorsqu’on lit ce que la plupart d’entre-nous souhaite, c’est de l’argent, de l’amour et la paix. Nous en sommes loin et le savons. Pour la faire régner il faut commencer à prendre conscience de se qui se passe à proximité. Il y a avant tout le chômage et la déchéance qui s’ensuit. Dans tout ce brouhaha festif, la pauvreté fait l’effet d’une visite inopinée. Le parent pauvre que nous ne voulons pas recevoir. Pour ne pas sombrer dans des scrupules, nous nous disons : c’est bien de leur faute s’ils sont dans une telle situation. Un argument qui n’est plus valable lorsque tout un pays sombre de plus en plus dans la précarité. Qui aujourd’hui est en mesure de jeter de l’argent par la fenêtre, pourrait être demain un SDF. Il n’a plus de garantie. Le long terme est devenu une utopie. Les emplois sûrs sont des denrées rares. Mais personne ne veut volontiers l’admettre. On continue à consommer sans penser aux lendemains. Dans le démembrement des structures que nous connaissons, seule une autre manière de vivre pourrait tout au moins freiner la déchéance. On en est loin ! Lorsqu’on voit les gens se ruer dans les magasins, il est permis de se demander s’ils ont toute leur raison. S’endetter pour faire la fête, pour se prélasser sur une plage, pour passer pour qui on n’est pas est une constante de notre époque. Évidemment tout cela pour étouffer ses angoisses. Les morts de froid nous rappellent constamment ce qui pourrait advenir de nous. La raison pour laquelle nous préférons regarder ailleurs ! Pour 2015 je souhaiterais un peu plus de justice, de compréhension pour les plus démunis d’entre-nous. Au lieu de fustiger les requérants d’asile, je trouverais opportun de les recevoir dignement. De ne pas les pousser dans la précarité. Il ne faut jamais oublier que nous aussi pourrions nous retrouver dans une telle situation. Que dirions-nous si nous étions reçus comme des va-nu-pieds ? Je ne crois pas que nous serions enchantés !

pm

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/30/les-sdf-ne-meurent-pas-seulement-en-hiver_4547341_4355770.html

Pierre Mathias