Claas Relotius, un journaliste vedette de l’hebdomadaire « Der Spiegel », a admit d’avoir falsifié des articles. Il a inventé de toutes pièces des interviews de personnes qu’il n’avait jamais rencontrées. Pour les lecteurs de ce périodique, dont je fais partie, un coup de massue. Il reproduit assez bien ce qui se passe aujourd’hui dans les médias. Il faut du sensationnel pour survivre, pour attirer l’attention. Sans de tels ingrédients, chaque reporteur risque de passer à la trappe. Il y a beaucoup d’angoisse, celle de pouvoir perdurer des années durant, d’être en mesure de pouvoir subvenir au besoins de sa famille. Il y a toujours l’épée de Damoclès de l’échec, qui plane sur les têtes de mes collègues. Pour avoir vécu de telles pressions, je dois dire haut et fort, que cela n’est pas une sinécure d’être constamment à la hauteur, comme l’exige ce métier. On se met constamment en question et si on ne trouve pas l’assentiment du rédacteur en chef, des nuits blanches sont au programme. J’ai vécu à deux reprises chez des journalistes la même réaction que celle de Claas Relotius. Dans les conférences de programmation, il était possible de ressentir l’angoisse qui les tenaillait, celle de ne pas réussir à placer un sujet. « Si tu n’as pas une commande, comment paieras-tu le loyer. » Il en allait souvent d’autre chose que le besoin de faire des révélations essentielles pour le public, celui d’assurer son ordinaire. On était payé que si on réalisait un film, dans le cas qui me concernait. Ce manque de sécurité, est exploité par les « patrons » afin d’obtenir le maximum des collaborateurs.

C’est une méthode assez vile, car elle s’attaque directement à l’existence d’une famille. Et si la critique interne, après la publication ou la diffusion d’un reportage est négative, cela peut entraîner des années de vaches maigres. Il n’y a pas de pardon dans cette branche, où il y a trop de journalistes qui se pressent au portillon. Comme il faut toujours du neuf, il n’est pas étonnant que bien des collègues expérimentés se retrouvent sans commandes. Je pense en particulier à tous ceux qui ont atteint la cinquantaine. La plupart d’entre-eux ne s’en remettent pas. Tout cela ne semble pas être le cas de Claas Relotius qui a 35 ans. Il faisait partie de la rédaction des affaires étrangères du Spiegel et touchait, si mes renseignements sont bons, un salaire mensuel. Il ne pouvait pas être question de contrainte sociale. Mais qu’a t-il put le mener à falsifier ses articles ? Était-ce le besoin d’être constamment en première ligne ? D’être respecté pour ses prouesses ? Il a déclaré à sa direction, qui l’a renvoyé, qu’il avait besoin d’aide, qu’il était malade psychiquement. Était-ce une sorte de burn-out ? Ce qu’on pourrait considérer comme une esquive, peut correspondre à la réalité, celle d’une auto-flagellation. Une fois de plus le public se sent berné. D’accord, mais dans ce cas-là il ne peut pas exiger l’impossible. Il est évident que pour pouvoir émerger, il faut faire de l’investigation. Mais comme on le sait, il a de grandes réticences à vouloir financer de telles recherches, qui coûtent de plus en plus, sans même être certains qu’elles pourront être publiées. Ce cas démontre le malaise qui prend de plus en plus en otage les médias, celui de devoir se profiler coûte que coûte. La fiction devient alors la réalité , si on y arrive pas!

pm

https://www.nouvelobs.com/monde/20181219.OBS7395/un-journaliste-vedette-allemand-admet-avoir-falsifie-une-quinzaine-de-ses-articles.html

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