Ce matin j’aurais envie de dormir, mais les crampes qui attaquent depuis des heures mes jambes, rendent impossible le moindre repos. J’ai dû me lever, espérant que je me sentirais mieux, mais ce n’est pas le cas. Il y a des jours, où tout semble aller de travers, comme hier matin. « Tu devrais faire une pause ! » Comme si je ne le savais pas ! Je me suis assis devant mon laptop et me suis mis à chercher un thème pour mon article de la nuit. Ce que le Monde ou le Nouvel Observateur m’ont présenté, était un savant mélange de nouvelles cocoricos racontant de quelle manière remarquable les bleus avaient pu vaincre l’Uruguay d’un tour de main. Ou du policier de Nantes, qui semble se contredire. Au lieu de consacrer une minute de silence, je continue à feuilleter les informations qui déclenche en moi guère d’inspiration. Je tombe enfin sur un papier, qui éveille en moi les sentiments de ne pas être en marge d’un sujet qui me touche. « Frère noir ! » écrit en 1930, décrit le voyage aux USA de Magdeleine Paz, épouse de de Maurice, un des fondateurs du PCF. Elle est confrontée directement au racisme, qu’elle perçoit à Harlem. Et ceci sur un fond de teint, de ce qui se passe en Europe. Nous nous trouvons alors, d’une manière de plus en plus virulente, confrontés à l’odeur immonde du national-socialisme. Magdeleine Paz dresse plutôt un portrait pittoresque de ce qu’elle voit, ce qui pourrait nous choquer de nos jours. Elle cite les lynchages, parle de la traite des noirs avec un ton plutôt paternaliste.
Il ne suffit pas d’écrire « Nègres » avec un « N majuscule » pour aplanir toutes les différences existant entre noirs et blancs. Instinctivement elle tombe dans une dialectique assez paternaliste, décrivant sa visite comme une plateforme d’observation plus ou moins ethnologique, qui consiste à tenir compte du « bon sauvage », mais en faisant sentir qu’il y a différence. Comme l’ont fait les philosophes des lumières. Je pense évidemment à Jean-Jacques Rousseau ou à Diderot. Une prise de conscience, mais sans pour autant oublier ce que nous sommes, les blancs. Magdeleine Paz prévoit une révolte au niveau mondial, où les frères noirs et blancs s’unissent afin de faire trembler tout l’édifice, qui semble trouver ses racines chez elle, dans les débuts de l’industrialisation au 19ème siècle. Elle dit : « «Solidarité avec les frères blancs des usines. Solidarité avec les noirs du monde. Tout le reste est phantasme, éclatement de bombe au milieu du désert.» Elle conclut: «Dis frère, frère, pour te servir, veux-tu ces deux mains que voilà ?» Évidemment un grand idéalisme, qui correspond bien aux tensions que connaît l’Europe un peu avant l’avènement des nazis au pouvoir. Sans le vouloir, ce livre le plus antiraciste est un des plus racistes. D’après ce que j’en sais, il traduit bien l’ambiance de ce qui se passe autour de soi aujourd’hui. Des gens sont provoqués à cause de leur couleur de peau, à cause de leur foi et en souffrent. Les années trente, des années glauques que nous risquons de vivre très bientôt. Un monde qui sort de ses gonds. Et pourtant nous ne pouvons pas ignorer cette évidence. Comme à l’époque Magdeleine Paz. N’oublions pas qu’elle a défendu Trotsky et qu’elle ne s’est sûrement pas fait des amis chez les dogmatiques du communisme.
pm