Non, il ne faut pas aller jusqu’au Qatar pour trouver des esclaves du travail ! Au cours de mes reportages, j’ai rencontré des jeunes femmes, qui étaient traitées comme des serfs qui travaillent dans des conditions impossibles, à qui on avait retiré le passeport. Des filles qui devaient allégeance à leurs « maîtres » sans toucher un centime. Souvent elles sont maltraitées, n’ont presque rien à manger et sont séquestrées, car elles sont des clandestines. Au point de vue juridique elles se trouvent dans des situations désespérées. D’après la loi elles n’existent tout simplement pas. Et qui n’existe pas, n’a pas d’aide légale. C’est tout du moins ce qu’on leur fait gober. Le cas cité dans « Le Monde » décrit bien que le législateur peut tout de même leur accorder de l’aide. C’est un délit de ne pas apporter un soutien à des personnes en danger. Dans le quartier du Sentier à Paris, il y a des enfants asiatiques qui travaillent dans des conditions identiques dans des ateliers de prêt-à-porter. Je me suis penché sur de tels cas, mais chaque fois que la police et la douane effectuaient des descentes, les petits travailleurs « bénévoles » avaient disparu comme par hasard. Ces esclavagistes ont un réseau des mieux informé. Comme tout ce commerce se trouve en partie sous la mainmise des triades, il est très difficile de se faire une idée de l’importance de tels réseaux. Sous leurs sourires affables, les patrons ont une attitude imperceptible, qui pour les Européens même bien renseignés, pose des problèmes. Les fonctionnaires de police me dirent qu’ils étaient soumis à de grands dangers, car ils ne savaient pas au juste, comment démêler la pelote.
Puis il y a évidemment les esclaves de l’amour. Comme je vous l’avais déjà raconté, je suis allé dans la périphérie de Berlin, dans un bordel, dans l’intentions d’y tourner. On m’a fait comprendre qu’il était préférable que j’aille brouter mon herbe ailleurs. J’ai évidemment vu des jeunes-filles qui devaient être des mineures. La police m’avait montré des photographies des victimes de la prostitution, mais je n’ai reconnu personne. Le réseau est construit de telle manière, que ces filles vont d’un endroit à l’autre avant d’être repérées par la police des mœurs. Et si un tenancier d’un « boxon » est interpellé, il lui répond : « Je ne fais que de louer les chambres. Je ne suis pas au courant de ce qui s’y passe ! » En Italie, où les réseaux des passeurs de migrants ont un rapport direct avec la mafia, « alimentent » les trottoirs de la périphérie des grandes villes de filles de joie. Des femmes à qui on avait promis de leur procurer un travail décent. Ici aussi, elles vivent la misère. Tout cela est un puits sans fond. Que faire ? Je pense qu’un des seuls moyens est de travailler en amont dans les pays d’où viennent ces femmes. Il faudrait faire de grandes compagnes d’information. C’est bien joli, mais quand cela se passe dans les familles, personne ne peut s’imaginer que cela pourrait aller de travers. Mais je dois dire qu’une des choses qui me dégoûte le plus, c’est que les autorités sous nos latitudes connaissent souvent ces passeurs et n’agissent pas comme il faudrait, car on ne veut pas semer le doute dans ces milieux, prétextant qu’on ne veut pas intervenir pour des affaires qui ne sont que des bagatelles. C’est dire à quel point ses filles sont méprisées. Bravo !
pm