La solitude est une plaie qui peut nous menacer tous. Dans un monde où il est de mauvais aloi de s’occuper des affaires des autres, les gens, tout au moins dans les grandes villes, ont tendance à s’isoler. Je vais revenir à des années en arrière. Lorsque j’habitais encore à Paris, javais une voisine de palier, une vieille dame, que je saluais négligemment lorsque nous nous rencontrions. Pendant des années nous n’avons pas échangé un mot. Un jour me rendis compte que je ne l’avais pas vu depuis des semaines. J’en fis tout de même part au concierge, qui fit venir la police qui força la porte de son studio. Elle trouva son cadavre. Il s’avéra qu’elle était morte depuis des semaines. Je fus bien évidemment très gêné et eus mauvaise conscience de ne pas m’être occupé d’elle. D’après un communiqué des « Petits frères des pauvres », la situation ne s’est guère améliorée depuis. Les services sociaux peuvent s’occuper des personnes concernées, mais ils doivent être contactés. Ou par la famille ou des amis, peut-être par des voisins inquiets. Mais le rythme de la vie et les soucis quotidiens nous rendent aveugles. Mais tout cela peut se passer autrement. Mais il faut que les gens âgés soient d’accord de rompre leur solitude. C’est souvent une question de caractère. S’ils ont le contact facile, ils ne seront pas isolés. En se confiant à ses voisins, en ayant un brin de causette avec l’un ou l’autre, tout un tissu social peut se mettre en place. Mais il faut que cela se passe avant qu’il soit trop tard. Je connais en Allemagne des communautés « d’immeubles » qui fonctionnent assez bien. Une à deux fois par an, elles organisent des fêtes. Tous les problèmes pratiques de la maison se règlent en commun. Mais cela n’est possible que s’il n’y a pas trop de fluctuations de locataires. Cela a été le cas chez nous tant qu’il n’y a pas eu trop de changement.

Maintenant qu’il y a presque tous les deux mois des déménagements, la solidarité entre les habitants, comme nous l’avions connue dans le passé, est aujourd’hui malheureusement caduque. Comme ma femme et moi sommes des personnes assez ouvertes, nos voisins sont devenus nos amis, d’autant plus que nous nous occupons en commun de notre chien. Il était clair que lorsque nous nous sommes décidés de recevoir Robin chez nous, vue notre âge il fallait trouver une solution. Les jeunes le promènent, ce qui depuis mon handicap est une bénédiction ; nous le nourrissons et le gardons pendant qu’ils sont au travail. Il s’est ainsi institué des liens étroits, ce qui est bénéfique d’autant plus que notre fille ne vit pas dans la même ville. Je cite c’est exemple afin de démontrer, que c’est aussi aux personnes âgées de faire un premier pas. Mais il faut en avoir les dispositions. Et comme on le constate, c’est vraiment pas le cas de tous. Je pense qu’il serait important que le législateur mette en place des dispositions pour rompre la solitude de tous ceux qui s’isolent. Il faudrait que les habitants nomment entre-eux un responsable qui aurait comme tâche de prendre contact avec les habitants de l’immeuble et de rompre ainsi la solitude de certains. Si c’est le prix de la liberté, je ne pense pas qu’il soit très élevé. Il consiste qu’à briser la solitude, non pas de blesser l’intimité.

pm

http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/09/29/les-petits-freres-des-pauvres-alertent-sur-la-mort-sociale-de-nombreuses-personnes-agees_5193685_3224.html

Pierre Mathias

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