Je suis bien conscient que je vais me rendre la vie difficile en écrivant cet article. L’attentat d’Istanbul m’a choqué. Qu’il soit dit : je condamne de tels actes car ils sont lâches. En s’attaquant à des innocents, les auteurs se désavouent eux-même. Bien que je puisse comprendre la colère des uns et des autres, je pense qu’il est du rôle d’un État d’agir tout d’abord d’une manière raisonnée. Cela implique de ne pas mettre tout le monde dans le même panier, ce qui se fait actuellement en Turquie. Je réprouve l’arrestation des membres du parti kurde, qui soit dit en passant, condamne les attentats et la violence en général. Les membres du gouvernement me répondraient probablement que parmi les députés il y a des brebis galeuses. Si c’est le cas, il faut qu’il y ait enquête et que les responsabilités soient précisément définies. En apportant des preuves, je me plierais évidemment aux résultats des investigations. Ce qui me déplaît c’est le principe de la faute collective, qui dans ma compréhension du droit ne peut pas être appliquée unilatéralement. S’il s’avère qu’il y a des criminels parmi ceux qui sont soupçonnés, il faut que la justice sévisse dans le cadre des lois. Je m’oppose par contre, contre tous verdicts ayant un arrière-goût de lynchage. Si la haine se propage encore, il n’y aurait guère d’espoir d’une réconciliation au niveau national. Il devrait être dans l’intérêt de Recep Tayyip Erdoğan de calmer les esprits, que ce soit dans son camp ou ailleurs. Pour l’instant, en suivant une démarche musclée, il pourra fortifier son pouvoir qui est déjà énorme dans un pays qui se dit démocratique. Mais c’est un plan d’une durée limitée. À long terme il faudra bien qu’il tente tout pour réconcilier sa nation.

Je souhaiterais au nom de la paix qu’il entende raison. Ce n’est pas en rétablissant la peine de mort qu’il évitera des bains de sang comme c’était le cas samedi soir. Les terroristes ne se laisseront pas intimider, car pour eux la vie n’a qu’une valeur relative. La leur et celle des autres. Il est permis de juger un chef d’´État dans la grandeur de son action. Dans le cas bien précis de la Turquie ce serait de rétablir un consensus au sein de la société civile. Il n’est pas nécessaire de s’aimer, mais d’avoir le désir de vivre correctement. Je peux citer l’exemple désastreux de l’ex Yougoslavie, où de soi-disant ethnies se sont massacrées pour aboutir en fin de compte à un morcellement du territoire. Il aurait été souhaitable que cela se passa au cours de négociations. Le prix a été terriblement élevé pour aboutir enfin à un statut quo vivable pour les uns et les autres. Beaucoup ont perdu leur patrie, mais ont été obligés de s’adapter aux conditions nouvelles. Faut-il en arriver là en Turquie ? En accélérant la spirale de la violence, il sera impossible à l’avenir de reconstruire le pays. Je pourrais évidemment aussi citer l’exemple de la Syrie. Toute cette réflexion de ma part pour ne pas rompre les liens existants aujourd’hui entre l’UE et la Turquie. Même si le dialogue semble plus que compromis, il faut tout faire pour calmer les esprits. Ce serait un faux message de rompre les négociations. Gardons la tête froide. Ce serait aussi dans l’intérêt du peuple kurde.

pm

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/12/12/arrestation-d-une-centaine-de-membres-du-hdp-deuxieme-force-d-opposition-au-parlement-turc_5047299_3214.html

Pierre Mathias

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