Le parlement européen a décidé de geler les négociations avec la Turquie en ce qui concerne une adhésion future de ce pays à l’UE. Le nouvel ordre instauré par Recep Erdoğan après le putsch manqué du mois de juillet n’est pas compatible avec les règles communautaires. Les députés ont mis dans l’embarras la Commission et les chefs d’États des pays-membres. On voulait éviter à tout prix de rompre les négociations. La ligne rouge à ne pas dépasser était jusqu’à présent l’instauration de la peine de mort. Maintenant il est démontré que ce n’était pas l’ultime limite. La donne a changé depuis que les conservateurs religieux ont pris le pouvoir. L’héritage de Mustafa Kemal Atatürk a été plus ou moins balayé. L’État laïc qu’il préconisait n’existe plus que sur le papier. Le président actuel se considère plutôt comme l’héritier d’Osman 1er (1258-1324/26), le père de la civilisation ottomane qui a occupé tout le pourtour méditerranéen. On est très éloigné du rapprochement avec l’Occident. Les États Unis qui espéraient que la Turquie par son appartenance à l’OTAN puisse être un rempart par rapport à l’influence iranienne et arabe, se retrouve dans une situation précaire. Elle ne peut dans la situation actuelle plus être considérée comme la clef de voûte d’une stratégie orientale. Peu à peu la nostalgie de l’empire ottoman reprend ses droit et ne tient plus compte des prérogatives dictées par les USA. N’oublions pas que c’est Washington qui a plus ou moins imposé à l’UE d’intégrer la Turquie. Maintenant on se demande bien si Ankara a vraiment encore le désire d’adhérer à l’Europe. Du point de vue géopolitique ce qui se passe maintenant peut être considéré comme un échec. Il est clair que la Turquie ne ressent plus le besoin de se conformer aux directives édictées par l’Alliance atlantique. Elle va suivre de plus en plus une politique autonome teintée d’un nationalisme aigu.

Il est presque évident que l’UE ne pouvait plus tirer profit dans un tel contexte. Il a fallu tirer la sonnette d’alarme afin d’éviter qu’il y ait une brèche. Il paraît évident que l’initiative du parlement européen ne se base pas uniquement sur la répression de ceux qui se sont élevés contre le pouvoir de Recep Erdoğan. Ils ont plutôt essayé de colmater ce qui était encore possible. Par rapport à la vision d’Atatürk le régime se trouve en pleine régression. N’oublions pas que la constitution turque a eu comme modèle celle de la Suisse. Aujourd’hui cela serait inconcevable. Ce qui se passe là-bas va dans la droite ligne du populisme que nous vivons un peu partout actuellement. C’est un retour en arrière qui ne peut qu’être de mauvais aloi, comme nous pouvons le constater aujourd’hui en Turquie. Une situation qui engendre la douleur car elle est arbitraire. Cela devrait être une leçon pour nous qui sommes en train de galvauder nos libertés. C’est aussi l’expression d’un isolement qui barre la route au progrès. Je pense qu’un grand nombre de turcs souffrent de voir leur pays se transformer de la sorte. Et si la porte de l’Europe se referme, que feront tous ceux qui habitent aujourd’hui en Allemagne, en France ou ailleurs ? Il est à craindre qu’ils seront de plus en plus ballonnés entre deux civilisations. Cela irait tout à fait à l’encontre de l’intégration.

pm

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/11/24/le-parlement-europeen-demande-le-gel-des-negociations-d-adhesion-avec-la-turquie_5037271_3214.html

Pierre Mathias

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