Cette nuit j’ai rêvé que j’étais un migrant et que je me trouvais en Grèce près de la Macédoine. Que de la boue dans le camp d’Idoméni, que des êtres désemparés qui ont sacrifié tout ce qu’ils avaient pour sauver leur peau. L’espoir de recommencer une nouvelle vie, les a amené à prendre des risques inimaginables, comme ceux de la traversée de la mer d’Égée sur des embarcations bancales. Un exode vers l’inconnu ! Si des fois j’y arrivais tout de même, comment serais-je reçu en République Fédérale ? À côté de beaucoup de citoyens voulant tout faire pour nous recevoir décemment, je ne peux pas ignorer que bon nombre de racistes s’évertuent à mettre le feu à des endroits d’accueil, que l’extrême-droite raciste gagne de plus en plus de terrain. Et malgré tout je ne veux pas entendre parler d’un retour en Turquie. À l’idée d’être à deux pas d’un champ de bataille, où tout a été dévasté, j’ai un sentiment de panique. Que du sang, que des familles déchirées, des orphelins et tout cela parce qu’un autocrate et son clan ne veulent pas entendre parler de démission. Que de la torture dans ses geôles, des exécutions sommaires au nom d’un régime sanguinaire. Et dans tout cela les fous de Dieu, qui massacrent tous ceux qui refusent l’absolutisme d’une religion qu’ils ont dévoyée. Je me réveille en sursaut baigné de sueur. Pour la première fois depuis longtemps je ressens l’exode de ces malheureux, comme un fait qui pourrait m’arriver. Je vis dans un environnement paradisiaque. Autour de moi, une famille intacte, des amis qui feraient tout pour me rendre service, un État qui respecte mes opinions. Tout ce que j’écris, je peux le faire sans contraintes. Je ne risque pas d’être arrêté pour subversion. On respecte mon opinion !

Il serait temps que tous ceux qui veulent rejeter les réfugiés, se donnent du mal de se mettre pour un instant dans leur peau. Qu’en serait-il si nous devions chercher un abri en Syrie ? Et ceci en ne connaissant pas la langue, les mentalités. Il nous serait demandé de nous intégrer le plus rapidement possible, ceci avec sur notre chef une épée de Damoclès, celle de la peur d’être renvoyé. Je ne sais pas si je supporterais une telle situation. Même si j’avais la volonté de m’établir définitivement dans le pays hospitalier, je resterais toujours un étranger. Le deal avec la Turquie montre à quel point notre éthique est malmenée. N’est-il pas honteux d’agir de la sorte ? Que l’UE ne soit pas en mesure à donner un toit à ces fugitifs, ne peut pas entrer dans ma tête. J’ai honte pour tous ceux qui profèrent des menaces envers des personnes qu’on rejette de toutes parts. Je ressens de plus en plus d’aversion contre ces petits bourgeois nauséabonds que sont les populistes. Je peux comprendre les peurs, mais je ne peux les accepter. Ils se disent vouloir défendre l’Europe chrétienne, mais bafoue l’Évangile ! Où y a-t-.il une logique dans tout cela ? N’avons pas affaire à des pharisiens ? À des sangsues qui ne pensent qu’à leur confort étriqué ? Ce qui se passe dans le camp d’Idoméni me fait frémir. Je ressens de plus en plus d’agressivité, voudrais ruer dans les brancards, mais je ne le fais pas, parce ce que je vis au chaud comme un gros matou en espérant que ce n’est qu’un mauvais rêve.

pm

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/19/paris-et-berlin-prets-a-envoyer-600-experts-pour-les-migrants-en-grece_4886469_3214.html

Pierre Mathias

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