Marion Roche, une prof de français au lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, encourage ses élèves, souvent issus de la migration, à parler politique. C’est une démarche que je trouve essentielle pour apporter leur soutien à la démocratie. Pendant des années les jeunes ont pris leurs distances par rapport aux responsables qui ont la charge de gouverner, que ce soit une ville, une région où l’État dans son ensemble. Cette désaffection est due au fait, qu’ils ne se sentent pas écoutés par les partis. Que ce qui les concerne déclenche bien des débats, mais avec des résultats souvent plus que modestes. Ils déplorent la stagnation à leur encontre et se sont recroquevillés dans une opposition silencieuse, qui à bien des points de vue est dangereuse. Vivre ainsi dans la frustration peut amener au terrorisme. C’est souvent le manque de dialogue qui en est la cause. L’initiative de Marion Roche a pour but de mettre en route un dialogue, qui est indispensable pour désamorcer les crises. Prenons le cas des élèves qui courent un jour amok. Sans préavis ils tirent sur toutes les personnes qui se trouvent sur leur chemin. Souvent de tels drames ont lieu dans les écoles et sont le fait de jeunes, qui jusqu’à leur court-circuit, passaient pour être calmes, pondérés, respectueux. Tout le contraire des Rambos qu’on peut voir au cinéma. Pas des êtres violents, avides de sang. Après ces drames, les enquêteurs et psychologues constatent que ces jeunes ont vécu en vase-clos. Qu’ils avaient du mal à proférer leurs inquiétudes et leur mal-être. Souvent les familles ne sont pas en mesure de pratiquer le dialogue. Trop de soucis, trop d’angoisse de la part des parents. Et le temps qui coure, sans qu’on puisse l’arrêter.

Le bourrage de crâne des médias y est aussi pour quelque chose. La télé ou l’ordinateur font office de nounou, de compagnon de route ou de tuteur, la communication entre proches se fige. Sans parler des sites sociaux sur internet, qui donnent l’illusion d’un certain échange. Ne nous leurrons pas, il ne peut qu’être virtuel. Les techniques de communications ne remplaceront jamais l’approche personnelle de tous individus. Le virtuel ne pourra jamais prendre la place de contacts tactiles, d’étreintes amoureuses. Il en est de même pour les débats, qui doivent être menés de front et à voix haute. Les plate-formes sur internet sont idéales pour préparer le terrain, pour faire des recherches plus approfondies, mais lorsqu’on ressent le besoin d’aller plus loin, le vis-à-vis est essentiel. La prise en considération que la politique ne peut être pratiquée qu’en société, doit revivre. L’agora ne doit pas être un lieu isolé, délaissé par les hommes et les femmes. C’est là où les opinions se forgent et ceci ne peut qu’avoir lieu, s’il y a débat contradictoire. Ce serait erroné de croire que l’isolation en face d’un ordinateur puisse remplacer les rencontres. C’est de cela qu’il s’agit avant tout. Les débats sur Skype sont certes nécessaires, mais ils resteront plus ou moins tronqués, car il y a manque de présence. L’école est un endroit, où par la force des choses, on rompt l’isolation. C’est à elle de propager la culture du dialogue, de l’encourager. L’activité de Marion Roche devrait faire partie du quotidien, non pas être une exception.

pm

http://www.lemonde.fr/societe/visuel/2016/01/08/a-aulnay-sous-bois-elle-remet-le-politique-dans-les-mains-des-lyceens_4844191_3224.html

Pierre Mathias

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