La peur est-elle bonne conseillère ? Ou faut-il être parfois plus inconscient ? Pour ma part je pencherais plutôt pour la deuxième alternative. Il est impossible de vivre constamment avec le sentiment d’avoir dans le dos une épée de Damoclès. C’est justement le sentiment que les terroristes du Deach veulent provoquer. Se calfeutrer chez soi, ne plus participer à la vie, craindre constamment que des terroristes peuvent vous attaquer, mènent à la psychose. Comme on le sait elle nous paralyse. Ceux qui ont de bonnes raisons d’avoir peur – elle est souvent un réflexe de survie – ne sont jamais sûrs que le sort, malgré toutes les précautions prises, ne les touche pas pour autant. Ce que nous vivons actuellement est un cheminement comparable à une personne ayant les yeux bandés. Nous ne pouvons pas voir les écueils, les pièges qui jalonnent notre route. Les attaques aveugles des fous de Dieu peuvent intervenir n’importe où et sans dates précises. Lorsqu’on réfléchit à cela, il faudrait nous terrer dans des forts, mais eux-aussi sont vulnérables comme l’a prouvé la ligne Maginot. Pour ses constructeurs elle était invincible. Les troupes allemandes en 1940 l’ont prise en assaut. En peu de jours son sort était réglé. La preuve qu’il est parfaitement utopique de se croire à l’abri derrière de hauts murs. Une autre association : la grande barrière qui doit être érigée entre le Mexique et les États-Unis n’arrêtera pas l’immigration illégale et le trafic de drogues. Une utopie proclamée par tous ceux qui préconisent la fermetures des frontières. Elle va plutôt au détriment de ceux qui se barricadent volontairement.
C’est pourquoi je donne raison à tous ceux qui décident de fêter dans les rues de Paris, même si le cœur n’y est pas. C’est un manifeste politique à l’encontre de tous ceux qui veulent nous voler notre liberté. N’allez pas croire que je ne connais pas la peur, mais mon but est de la maîtriser. Elle m’a parfois été utile dans mes activités professionnelles. En tant que journaliste on rencontre toujours à nouveau des moments épineux, où il est nécessaire de faire la part des choses. Se demander si les risques pris sont légitimes ou pas ? Lorsque je me suis trouvé dans de telles situations, je me posais la question de savoir si je pouvais assumer politiquement certains risques. Pour les prendre je devais être convaincu de me battre pour une bonne cause. Ceux qui se lancent dans des actions périlleuses pour faire de l’épate ou pour tout simplement s’affirmer professionnellement, sont inconscients lorsqu’on ne fait pas cavalier seul. Pour un reporteur de télévision, comme je l’ai été, j’ai que je le veuille ou non charge d’âme. Je dois tenir compte de l’avis de mes collègues. Dans ces cas-là une certaine peur m’a obligé d’analyser les risques dans bon nombre de films que nous avons tournés. Ce qui me déconcerte avec le terrorisme que nous connaissons actuellement, c’est l’impossibilité de faire des pronostiques. Tout endroit est dangereux à priori. Appeler à la prudence est une vue de l’esprit, mais n’apportera pas grand chose dans les faits. On peut ne plus aller danser ou se rendre à des concerts, mais personne ne peut se passer de nourriture. Ceux vous disent que d’aller dans un cente commercial est moins dangereux, ignorent la réalité.
pm