Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le drame grec pourrait être l’occasion de revoir sa copie en ce qui concerne l’euro. Il est évident que la structure actuelle ne correspond plus aux exigences monétaires qu’on serait en droit d’attendre. Sans une intégration plus grande des pays-membres, de tels accidents peuvent se reproduire à l’avenir. Le système fiscal et social doit être coordonné. Cela revient à dire que le principe des États souverains, comme nous le connaissons actuellement, n’est plus adapté à la situation. Il faut absolument encourager toutes initiatives pour arriver à mettre au diapason des politiques différentes. Sans elles l’économie ne peut pas remplir son rôle au niveau mondial. Bref, il est nécessaire d’avoir plus d’Europe. À la longue il ne peut pas y avoir 19 manière de faire différentes. Sans une telle réforme notre monnaie commune ne pourra pas subsister. Vous l’avez compris, nous nous trouvons à la croisée de chemins. Je comprends parfaitement que les réflexes nationaux gagnent du terrain après ce qui s’est passé ces derniers mois, mais un repli sur soi-même serait la fausse réponse. C’est pourquoi je vois avec appréhension ce qui se dessine en Grande-Bretagne. Le référendum est loin d’être gagné. Si on suivait les recommandations de David Cameron, l’idée européenne serait mise à petit feu.
Dans un tel cas je ne vois plus l’utilité de l’UE. Le désastre grec a démontré qu’il n’est plus possible de faire cavalier-seul, que l’isolation est un spectre du passé. N’oublions pas que notre continent était à feu et à sang il n’y a pas si longtemps. Le grand mérite des accords de Rome a été d’intégrer des pays qui étaient dans le passé ennemis dans une mouture commune, de les rendre dépendants les uns des autres. Une solidarité nécessaire pour assurer un lendemain meilleur aux jeunes générations. Non, nous ne pouvons pas galvauder ce capital pour des raisons égoïstes. J’appelle tous les pays-membres de faire sauter le verrou d’une pensée strictement nationale et de tenter un grand pas en avant. Exiger de l’amour serait utopique, mais comme nous l’avons vu, un peu plus de pragmatisme communautaire est indispensable. La leçon que je peux tirer des remous actuels est que le projet politique de l’Europe doit aller de l’avant. Il ne faudrait pas que se concentrer sur les aspects techniques. Le grand dessein de l’UE doit avoir la priorité et demande, qu’on le veuille ou pas, une politique unique. Ce qui s’est passé en cette fin de semaine devrait faire réfléchir. Je ne suis pas un supporter de Monsieur Tsipras, mais dans un domaine il a raison : une discussion de fond doit avoir lieu. Que voulons-nous de l’UE ? Quelles sont nos aspirations pour son avenir ? Ce n’est pas en pratiquant du goutte à goutte que nous pourrons réaliser la vision des pères de l’Europe. Ce ne seront pas les comptables qui pourront nous faire rêver. Aucune évolution, si réaliste soit-elle, ne pourra voir le jour sans un peu d’idéalisme. Je regrette que l’imbroglio grec nous à empêcher de faire évoluer dans son ensemble la construction européenne. Si nous prenons de la graine, les remous que nous connaissons aujourd’hui pourrons-nous montrer la voie qu’il s’agit de suivre. Au lieu d’attacher trop d’importance aux problèmes d’intendance, on oublie l’essentiel. L’euro survivra à condition que les gouvernements des pays-membres montrent plus de courage. C’est la seule condition pour assurer sa survie !
pm
http://www.liberation.fr/monde/2015/06/28/le-grexit-au-bout-de-la-semaine_1338777