La condamnation à mort de l’ancien président égyptien Mohamed Morsi est un pas dans une très mauvaise direction. On lui reproche d’avoir organisé des évasions lors des événements de 2011 et ceci avec l’aide du Hamas et du Hezbollah libanais. L’actuel chef de l’État, Abdel Fattah al-Sissi, semble vouloir s’en prendre ainsi au mouvement des Frères Musulmans, qui a encore aujourd’hui un certain poids en Égypte. Au lieu de favoriser l’apaisement, il jette de l’huile dans le feu. Cela pourrait aboutir à l’effritement du pays, qui aurait besoin de soigner ses plaies et de chercher son avenir dans une société pluraliste. Ce qui se passe maintenant est du ressort du passé : œil pour œil, dent pour dent ! Les adhérents de l’ex-président Morsi ne sont certes pas des enfants de cœur, mais vouloir les éliminer physiquement ne peut que nuire à tous ceux qui aspirent à la paix. J’ose espérer que le gouvernement se modérera et qu’il commuera les peines en détentions. La peine capitale est le plus mauvais moyen de pacifier un peuple. Faire jouer ses muscles est une réaction à court terme. Tous régents devraient le savoir. Qui veut gouverner dans la durée doit agir avec discernement. Sans le soutien du peuple rien n’est possible. Comme l’histoire le démontre toujours à nouveau, son appui peut capoter d’une minute à l’autre. Il n’y a rien de plus capricieux que l’opinion publique.

Si le but est d’éviter la création d’un État islamique, il est indispensable d’opérer dans la stricte légalité. Les adeptes du régime actuel diront qu’ils le font, mais ce qui se passe actuellement dans les tribunaux est plutôt du ressort d’une farce macabre. On est loin de notre conception de la justice. Un peu plus de grandeur ne nuirait en rien au pouvoir actuel. Mais allez expliquer ceci à des militaires. Pour eux la politique a encore un relent plus ou moins suspect. Elle représente pour la plupart entre eux le symbole du désordre. J’ose néanmoins espérer qu‘ Abdel Fattah al-Sissi exercera en tant que président le droit de grâce, qu’il fera tout pour éviter l’irrémédiable. Le verdict est actuellement entre les mains du mufti, qui donnera un avis sur la sentence à appliquer. Mais ce n’est qu’une consultation sans effet juridique. Aura-t-il le courage de nager à contre-courant, de braver ainsi le tribunal et tous ceux qui le manipulent ? Lorsque Mohammed Morsi a été chassé en 2013 du pouvoir, il y a eu un certain moment l’espoir que les égyptiens pourraient se réconcilier dans un esprit de tolérance, de respect mutuel. En écartant les thèses radicales des Frères Musulmans, il aurait été possible de trouver un nouvel équilibre au sein de la nation, alliant les convictions religieuses à celles de la démocratie. C’est le contraire qui se passe actuellement. Ce qu’on a nommé prématurément le printemps arabe, est entrain de tourner à l’aigre. Au lieu de favoriser la tolérance, certains qui s’en réclament le manipulent pour exercer une répression digne de l’ancien régime. Et les citoyens ? Ils ne savent pas trop que faire. Protester, occuper la rue ? Ils ont pu constater qu’ils ont été dépossédés des fruits de leur révolution, que la répression est toujours à l’ordre du jour. Dans ce contexte n’oublions pas que Morsi a été le premier président élu démocratiquement ! La preuve aujourd’hui que la voix du peuple est plus qu’aléatoire ! CQFD !

pm

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/05/16/l-ancien-president-egyptien-mohamed-morsi-condamne-a-mort_4634712_3212.html

Pierre Mathias

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