Ferdinand Piëch, le président du conseil de surveillance de Volkswagen a jeté l’éponge. Depuis des décennies il a marqué de sa griffe l’histoire de l’automobile. Petit-fils du fondateur du groupe, il a été comme lui un ingénieur visionnaire. Il a donné à cette multinationale, au temps où il a été son PDG, un profil axé sur l’avenir. Il était conscient que les relents du national-socialisme ne lui étaient pas propices. Hitler avait donné l’ordre de produire une voiture que « Monsieur Tout le monde » serait en mesure d’acheter. Une manière d’amadouer les foules à l’orée de la deuxième guerre mondiale. Pour la propagande l’occasion de se profiler comme étant à la pointe du progrès, tant du point de vue technique que social. Ferdinand Piëch était parfaitement conscient qu’il fallait tourner la page, de concevoir de nouveaux produits et de donner un coup de fouet à une politique d’expansion. La réussite d’Audi en est le témoignage. Il a démontré qu’il pouvait aussi produire du luxe, tenir tête à BMW ou à Daimler-Benz. Lorsqu’il s’est mis quelque chose en tête, il l’imposait à son entourage. Il croyait qu’il suffisait de lâcher une phrase assassine, comme c’était le cas pour Martin Winterkorn, l’actuel patron, et que tout le monde se plierait à sa volonté, celle de le limoger. Le patriarche n’a pas pensé qu’il ne trouverait pas une majorité au sein du conseil de présidence. Ses cousins, la famille Porsche, ne l’ont pas soutenu. De même les représentants du personnel, les syndicalistes et le Land de Basse-Saxe, un actionnaire des plus importants de VW.
Tout simplement une révolution de palais, comme on observe souvent dans l’industrie ? Je ne crois pas. Ce qui s’est passé là est le chant de cygne de toute une génération de personnalités compétentes, souvent autoritaires. Que nous le voulions ou pas, nous sommes entrés dans une nouvelle phase, où les gestionnaires, par nature interchangeables, tiendront le haut du pavé. Des dirigeants n’ayant pas trop d’imagination mais sachant s’adapter aux vœux des actionnaires, feront la pluie et le beau temps. Pas de quoi pavoiser ! La médiocrité s’installera qu’on le veuille ou non à tous les échelons. Tout le contraire de Ferdinand Piëch. En France le manque de forts caractères est une des causes de la récession. L’industrie, en voulant s’adapter au marché mondial, a perdu tout élan. Ce qu’elle produit devient de plus en plus interchangeable. En voulant faire du passe-partout, on se désavoue et finalement on entame le déclin. Il est certes difficile de se trouver face à de telles tronches, mais c’est au moins pas ennuyeux. Elles incitent tout le personnel à se donner corps et âme pour que le tout soit couronné de succès. Que cela provoque des frictions est évident. Les responsables des syndicats devraient se dire qu’il vaut mieux cela que de perdre des emplois. Lorsque l’industrie de l’automobile stagne au niveau de la recherche et de la créativité, les cahiers de commandes se dégarnissent. Il sera intéressant d’observer quelle sera la démarche des actionnaires et des représentants du personnel de VW ? N’y aura-t-il plus que des décisions frileuses ? Ou au contraire une fuite en avant ? Personne ne peut le prédire actuellement, mais une chose est certaine, un Ferdinand Piëch n’est pas remplaçable du jour au lendemain.
pm