Se tourner et se retourner dans son lit, se demander comment payer les charges, se sentir délaissé, bafoué, voilà le sort d’un chômeur que je nommerais Jean. Un sentiment de honte le torture, car il n’est plus en mesure de subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants. Tout au moins contribuer à leur bien-être, comme ils le mériteraient. Depuis qu’il a perdu son emploi, pour cause de rationalisation de l’entreprise, il a écrit des centaines offres d’emploi. Pour la plupart du temps même pas de réponse et si par hasard il y avait une lettre dans la boîte au lettres, toujours la même rhétorique : « Nous sommes au regret de devoir vous annoncer…. Nous vous souhaitons bonne chance pour votre avenir… » Entre lui et sa femme les tensions ont augmenté. Avec des ménages effectués au noir, elle essaie d’améliorer l’ordinaire des deux fils. Depuis belle lurette, ils ne peuvent plus participer à des activités qui exigent un appoint pécuniaire. Ils sont devenus les gosses de bons à rien, au dire de leurs camarades. « Pas étonnant avec l’épave de père que tu as ! » Les tensions entre Jean et son épouse deviennent endémiques. Elle fait maintenant chambre à part. « Nous n’avons plus de sexe ! » Et cela le rend malade. Il aimerait tout au moins oublier tout pour un instant en faisant l’amour. À quarante ans, Jean a l’impression que sa vie a atterri dans un dépotoir. « Et il y a ce type qui a jeté un œil sur Martine ! » Rongé de jalousie, il a attrapé un ulcère à l’estomac. Lui qui était sportif, s’est mis à boire, ce qui a eu comme résultat, des accès de colère et de désespoir. L’alcool ne le soulage que pendant de petits moments. Puis s’en suit le grand blues. Ses gosses l’évitent de plus en plus. Un jour Martine emballe ses affaires et celles de ses enfants et part s’établir chez sa mère.
Je pourrais continuer ainsi de suite cette histoire, qui se répète dans bien des ménages de chômeurs. Une étude de 2015 prétend qu’entre 10.000 à 14.000 décès sont imputables au chômage. L’inspection générale des affaire sociales (Igas) prétend même que le risque de décès est trois fois plus élevé que chez les salariés. Et rien ne s’améliore. Au deuxième semestre de l’année 2018, le nombre d’inscrits à Pôle emploi s’élevaient à 5,94 millions de demandeurs d’emploi. Les troubles psychiques deviennent de plus en fréquents et amenuisent considérablement les chances d’insertion. Allez-vous présenter en aillant le blues ! „Au moment du chômage, les fragilités remontent à la surface avec l’isolement et le sentiment de dévalorisation“, explique Madeleine Cord, membre du réseau de psychologues de l’association SNC, avec „isolement“. Le personnel de Pôle emploi est-il formé pour apporter une réponse à tous ceux qui se trouvent dans une telle situation. „Un chômeur en mauvaise santé a plus de difficultés à retrouver du travail qu’un chômeur en bonne santé“, constate Michel Debout, auteur du livre „le Traumatisme du chômage. Une évidence. Jean a contracté une maladie psycho-somatique. N’étant pas en mesure de payer certains frais dûs à ses maux, il se néglige. Les effets collatéraux du chômage sont une charge de plus en plus lourde pour la société. Les coûts de santé se chiffrent par milliards en ce qui concerne les personnes en déshérences. Aussi un effet pervers du chômage de longue durée !
pm