J’ai fait dans les années 90 deux reportages en Corse dans des milieux proches du FLNC, le mouvement clandestin pour la libération de l’île. J’ai été en contact avec une grande partie des leaders nationalistes et j’en garde un bon souvenir. C’étaient des personnes passionnées qui pour leurs idées n’hésitaient pas à agir de manière violente. C’était l’époque. où le sang coulait malheureusement trop fréquemment. Souvent des luttes fratricides qui prenaient la forme de la vendetta. Cela ne m’aurait pas étonné, si les descendants des familles, ne savaient pas au juste pour quelle raison elles étaient ennemies. Il y avait bien entendu des questions de gros sous qui provoquaient ces drames. Aussi la mainmise de certaines mafias, qui voulaient profiter de la situation. Je ne peux qu’espérer que la hache de guerre soit enfin enterrée. La manifestation qui s’est déroulée hier à Ajaccio réunissaient toutes les tendances, qui dans le passé se livraient à un combat sans merci. Je ne peux que saluer cette évolution. Pour ma part je verrais, comme pour la Catalogne au demeurant, un statut d’autonomie pour la Corse. C’est en fait le sens que voulaient donner ces patriotes à leurs revendications. Celles de convaincre Emmanuel Macron, que ce serait une solution acceptable pour tout le monde. Le problème dans tout cela, c’est la revendication des autonomistes que la constitution soit changée dans ce sens. Il est évident que cela ne resterait pas sans conséquences profondes pour la structure de la France. Cela ne m’étonnerait pas que la Bretagne, le Pays-Basque, la Savoie et j’en passe, réclament le même statut. On passerait ainsi d’un État centralisé à une structure fédérale, qui serait un déni par rapport aux visées de la Révolution, où il était dit que l’unité fait la force.
Pour Paris ce serait une marche sur un terrain miné. Je pense que bien des revendications auraient des chances d’être acceptées, mais sans changer la constitution, qui aurait des retombées imprévisibles en ce qui concerne l’esprit patriotique de la France. Comme je l’avais dit dans le passé directement à mes interlocuteurs, je suis d’avis que tous gouvernements de la République ne peuvent pas s’engager ainsi. Malgré mes sympathies pour le peuple corse, l’idée d’une désintégration du pays est un point de non-retour que j’aurais du mal à accepter. Du point de vue historique ce serait renier ce qui fait la force de la France, c’est à dire un esprit de solidarité qui dépasse de loin les frontières ethniques de la population. Cela ne concorderait en aucun cas avec l’esprit de 1789. Que faire ? J’accorderais sans hésiter la revalorisation de la langue corse, son enseignement à parts égales, ses repères concernant la gestion de l’île. J’accepterais que toutes les questions économiques, structurelles, administratives soient sous la houlette du conseil régionnal. C’est à dire de lâcher du lest dans tout ce qui concerne la vie publique. Cela pourrait être entériné dans un accord bilatéral entre les deux communautés. Et c’est justement là qu’il y a désaccord, ce qui est compréhensible. Il y a eu trop de visées qui allaient dans ce sens, mais qui n’ont abouti à rien. C’est justement cela que veut éviter la majorité des nationalistes corses. Mais ces derniers devraient comprendre que la France ne puisse pas modifier la base même de la constitution, celle d’un État unique et indivisible. Pour Macron un casse-tête chinois !
pm