Je ne vais pas revenir sur la démission du chef d’état-major de l’armée, Pierre de Villiers, ni sur la nomination de son successeur. Je veux poser quelques questions qui peuvent paraître à première vue saugrenues, mais qui m’aideront à y voir plus clair. Avons-nous besoin d’une armée ? Oui, mais plus dans sa forme classique, comme celle qui était à l’origine d’une conception de défense qui n’a pas fait ses preuves. Je pense à ligne Maginot, à la débâcle dans les Ardennes en 1940. Après la chute de Berlin, nous nous sommes éloignés en Europe de la défense territoriale, faute d’ennemis. Ceci à tort ou à raison, seule l’histoire nous donnera une réponse. Ce qui se passe actuellement est plutôt un concept d’ingérence, quelle que soit l’explication que nous voulons lui donner. Sous le couvert de la lutte anti-terroriste, le vrai but à mon avis de l’action internationale de l’armée est d’assurer notre présence un peu partout dans le monde. Certains esprits critiques parlent de néo-colonialisme. Je n’irai pas jusque là, mais lorsque le président de la République Fédérale d’Allemagne, Horst Köhler, avait déclaré après une visite des troupes en Afghanistan le 22 mai 2010 à la radio, que l’engagement de la Bundeswehr à l’étranger, était avant tout dicté par des raisons économiques, il a dû démissionner. Je lui avais donné raison, ce qui ne plût pas à tout le monde. Non pas pour condamner une telle démarche qui est nécessaire si on tient à développer les relations économiques, mais pour nommer par son nom ce qui se passe vraiment.
Pour l’éthique d’une armée une telle vision est difficile à accepter, car elle a un arrière goût de mercantilisme qui ne correspond pas à sa nature. Il ait à mes yeux évident qu’une telle vérité remet en question certaines structures, qui peuvent encore paraître d’un autre temps. Il est certain que l’armée ne peut pas se démarquer de la politique actuelle, que le recourt à l’histoire glorieuse de la France, est à des années lumières du pragmatisme qu’on exige d’elle. Il s’agit avant tout de développer nos intérêts. Et ceux-ci ne brillent pas forcément par leur virginité. Je me souviens des conversations que j’ai eues avec des amis d’alors, parmi eux Étienne Copel qui avait des vues, qui aujourd’hui sont de mises, comme celle d’une milice capable d’opérer partout et en tout moment, employant les méthodes de la guérilla. Une armée pouvant opérer dans l’ombre, discrète efficace. C’était du temps de la guerre froide, la preuve que ses idées étaient prophétiques. Au lieu de dire qu’on se défend en combattant en Afrique ou ailleurs, je préférerais qu’on dise ouvertement qu’il est important de développer des marchés. Il est évident que sous cet aspect, la politique de défense doit être revue. J’aime qu’on nomme les choses par leur nom. Dans une telle optique, la configuration des troupes et de l’appareil militaire doivent être encore plus mobiles qu’à l’heure actuelle. On s’achemine vers une armée bien plus politique car il sera de plus en plus difficile de la démarquer par rapports aux autres intérêts de l’État. C’est là que je vois l’origine du malaise actuel. Je souhaite qu’elle se réforme au plus vite afin d’être au service de la politique étrangère et ne plus être une entité à part.
pm