Une fois n’est pas coutume, je ne vais rien écrire sur la politique mais sur un fait divers tragique. Deux alpinistes italiens ont trouvé la mort dans le massif du Mont-Blanc. D’autres suivront au cours de l’année. Une occasion pour moi de réfléchir à l’attrait de l’alpinisme. J’ai été élevé dans cette région et j’ai eu un professeur au collège qui avait gravi des 8000 mètres au Népal. Il connaissait tous les guides de Chamonix et vantait souvent le défi de la mort que chacun a en soi. Comme scientifique il était de l’avis qu’une fin tragique était logique pour tous ceux qui pratiquent ce sport. Lui-même est mort d’épuisement à la face nord de l’Eiger. Il ne voulait en aucun cas décéder dans son lit et a ainsi obtenu satisfaction. Je trouvais souvent qu’il s’exprimait en classe d’une manière cynique lorsqu’il parlait des accidents qui pouvaient intervenir. J’ai compris bien plus tard, que c’était pour lui le seul moyen de prendre des risques. Qui pratique la montagne sait bien, que sans eux il n’est pas possible de vaincre des sommets. Ce qui est tragique et ce qui n’a pas été le cas de l’accident qui a eu lieu hier, c’est que beaucoup d’amateurs partent en randonnées sans condition et souvent sans le matériel nécessaire. Qu’ils mettent en danger tous ceux qui vont à leur secours, ne semble pas les déranger. Chaque année on déplore la mort de beaucoup d’entre-eux. Faut-il réglementer la varappe ou les courses dans un massif montagneux ? Imposer des règles où seul un vent de liberté devrait souffler ? Est-ce compatible avec le désire de se dépasser ? Pas tellement, mais tant que des hommes et des femmes dévisseront par méconnaissance, il est permis d’en douter. Faut-il accepter qu’un sport prenne en compte une fin tragique ? Que son attrait est en partie causé par une issue incertaine chaque fois qu’on part à la conquête des sommets ?

Il ne faut pas banaliser une telle activité qui représente un danger réel. On me répondra avec raison que la route cause un nombre bien plus élevé de victimes, mais elle fait partie de notre mobilité. Qui la prend ne le fait pas toujours de son propre gré comme c’est le cas de l’alpinisme. Sa fascination ne m’est pas du tout étrangère, au contraire. Dès que je me trouve au pied d’une paroi, l’envie me prend de la vaincre, de me dépasser. Mais est-ce une raison prendre de tels risques ? Je pense que c’est une décision individuelle. Dans les écoles d’alpinisme il est aussi question de prendre en compte ses capacités, de mettre en garde les élèves contre toute témérité. On leur apprend à bien apprécier une situation et à renoncer à vouloir à tout prix provoquer la destinée. Malheureusement la plupart des alpinistes qui hantent ma région, croient pouvoir se passer de toutes formations. Personne ne trouve rien à redire, lorsqu’il est question de passer un permis de conduite. Pourquoi ne pas être bien plus restrictif en haute-montagne ? Aucun guide ne devrait avoir pour client des personnes n’ayant pas la formation nécessaire. Mais il y a tous ceux qui croient pouvoir s’en passer. C’est là que cela devient dément. On rencontre parfois des individus qui portent des baskets et qui ont la prétention d’arriver au sommet du Cervin ! Cela est scandaleux, car un grand nombre de décès sont la cause de l’inconscience.

pm

http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/01/03/deux-alpinistes-tues-dans-une-avalanche-en-haute-savoie_4841059

Pierre Mathias

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