L’étude Ipergay, qui a été présentée mardi à la 22. conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes à Seattle, suscite de l’espoir dans les milieux menacés par le VIH. En prenant des pilules avant et après l’acte sexuel, il est possible d’enrayer à 80% le risque de contamination. Les chercheurs ont malgré cette statistique déclaré qu’il ne fallait en aucun cas relâcher les mesures de précaution comme les préservatifs par exemple. Lorsque j’ai dans les années 90 tourné des reportages sur ce terrible fléau, la plupart des personnes atteintes par le VIH mourraient dans un temps relativement court. Depuis de grands progrès ont été faits. La maladie se déclare de plus en plus tard grâce à une médication efficace. Mais un fait reste : jusqu’à présent il n’a pas été possible d’éradiquer ce virus.
J’ai connu des patients qui vivaient dans l’espoir que la science leur permettrait de vivre un jour normalement. Ce n’est pas le cas ! Mais il y a aussi un fait qu’il ne faut pas ignorer. La nouvelle pilule sera probablement une aide pour tous ceux qui ont une situation sociale privilégiée. Qu’en est-il des millions d’Africains, par exemple, qui chaque jour sont menacés par le VIH ? Je ne vois pas comment ils pourraient acheter un tel médicament préventif ? Et si c’était le cas, auraient-ils la discipline de suivre à la lettre ce qui leur est demandé ? C’est là qu’on peut percevoir à quel point cette terrible maladie est discriminatoire. Un continent entier risque de mourir à petit feu et nous sommes impuissants face à ce raz-de-marée ! C’est la raison pour laquelle je prends note avec un certain fatalisme ce genre de progrès. Au cours de toutes ces années de telles nouvelles ont été propagées. Souvent il s’est avéré qu’elles n’avaient pas de fondements. Pour les personnes concernées une torture. Maintenant les chercheurs prennent de plus en plus de précautions et ne veulent pas éveiller trop d’espoir. Le virus s’adapte constamment aux nouvelles conditions. Quand un progrès se dessine, il n’est pas dit qu’il maintiendra le cap à longue durée. Une chose est claire : il est possible d’atténuer le mal lorsqu’il est là, de l’éviter est pour l’instant un vœux-pieux. Dans un monde dans lequel on place le progrès technologique sur un piédestal, un tel aveu d’impuissance est mal ressenti. La preuve que l’homme ne pourra jamais venir à bout de la nature, qu’elle marquera toujours sa prédominance. Seul en reconnaissant ses limites il est possible de s’élever spirituellement. C’est là que le bât blesse dans notre civilisation. Le VIH nous remet constamment en place et nous indique jusqu’où le génie humain peut aller. Pour l’aborder il faut être humble. Que reste-t-il d’autre à faire ? Il nous obligera aussi à l’avenir de contrôler nos instincts sexuels, de s’adapter à une situation plus ou moins définitive. Peut-être un appel de vivre en conséquence ? Il serait fatal que cette invention soit une raison de se relâcher, d’ignorer les précautions à prendre pour ne pas être contaminé. Je ne demande à personne de vivre comme un ascète, mais d’utiliser des préservatifs ne devrait pas être un sacrifice incontournable. L’amour consiste aussi à respecter ses partenaires !
pm