En Espagne la conférence épiscopale a décidé que le secret de la confession devait être sauvegardé, même dans des cas d’agressions sexuelles. Le porte-parole du clergé, José Maria Gil Tamayo, a déclaré : « Ne pas dénoncer un délit dont on prend connaissance pendant l’exercice du secret de la confession ne relève pas de la dissimulation ni de l’infraction pénale » Cette déclaration a déclenché un tollé général. Cela revient à dire que l’Église s’est octroyée les moyens de continuer à dissimuler les cas de pédophilie et à protéger les brebis galeuses en son sein. Et ceci malgré la tolérance zéro voulue par le pape. Et tout ceci sur un fond de délinquance. Le pays est secoué par la plus grande affaire d’abus sexuels sur des mineurs. À Grenade 12 personnes sont dans le collimateur. Il s’agit du viol d’un jeune homme de 25 ans, qui lors des faits avait entre 14 et 17 ans. Je comprends parfaitement l’émoi suscité, mais quand à abroger le secret de la confession, j’émets des doutes. Que ce soient les avocats ou les médecins, ils ont le devoir de ne pas divulguer ce qu’on leurs divulgue. Ils ne peuvent qu’inciter leurs interlocuteurs à se rendre à la police en cas de délit, pas plus. Qu’en serait-il si cette pratique était abandonnée ? Ce serait encourager la délation. Mais que faire si la personne qui se confesse pouvait récidiver ? Qu’elle représente un danger pour la société ? Je ne sais pas comment je réagirais dans un tel cas ? Probablement je romprais le silence. Mais que je le veuille ou non, ce serait un abus de confiance envers la personne qui s’est confiée à moi. Il est évident qu’il n’est pas possible de faire deux poids et mesures. Une infraction à la loi est un fait objectif quelle que soit la nature du méfait. Ce n’est pas au prêtre de faire un choix. S’il n’était plus soumis au secret, il devrait tout dénoncer, du petit larcin au meurtre en passant par les abus sexuels. Dans ce contexte l’exode de criminels de guerres nazis me revient à l’esprit. Après 1945 un nombre appréciable d’entre-eux se sont réfugiés dans le Haut-Adige. Certains curés les ont cachés et ont organisé leur fuite en Amérique latine. Lorsque ce scandale a été révélé, les autorités religieuses ont prétendu, que le devoir de l’Église était d’aider toutes personnes poursuivies et ceci malgré les actes qu’ils ont commis. C’est ainsi qu‘ Adolf Eichmann a pu rejoindre l’Argentine. Ils n’ont fait que respecter leur devoir de discrétion ont-ils prétendu. Je dois avouer que ce débat me met mal à l’aise. Tout comme la plupart des Espagnols, je ne peux pas admettre qu’on protège ainsi des individus qui ont commis des crimes envers les enfants. Cela me révolte ! Mais toucher au secret de confession reviendrait aussi à dire que des innocents traqués par des régimes totalitaires ne pourraient trouver nul part refuge, qu’ils seraient soumis à la traque. Aucun requérant d’asile ne se sentirait en sécurité dans une église. De tels cas ont provoqué une discussion en Allemagne, où le ministre de l’intérieur voudrait abroger ce droit ancestral. S’il obtenait gain de cause, cela reviendrait à dire que tout prêtre aurait le devoir de remettre les réfugiés aux autorités. Je ne peux pas l’admettre !

pm

http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/02/26/les-eveques-espagnols-defendent-le-secret-de-la-confession-meme-en-cas-d-abus-sexuels_4584296_3214.html

Pierre Mathias