Que vient faire Marine Le Pen en Corse ? Veut-elle réussir l’impossible, convaincre les indépendantistes de rejoindre ses rangs et de d’abandonner leur combat ? Bien que les sondages lui donnent 29% sur Île de Beauté, des militants antifrançais sont venus chahuter son meeting. Ils ont été expulsés brutalement par les forces de l’ordre. Cela n’a pas empêché le FN d’adresser des reproches au préfet, l’accusant de laxisme. Il est probable que les tensions augmenteront si Madame Le Pen faisait un beau score. C’est probablement les pieds noirs qui lui donneront leurs voix. Je connais assez bien le problème corse pour y avoir tourné deux films dans la clandestinité. J’ai rencontré les leaders du FLNC et ait pu me rendre compte à quel point l’équilibre est difficile à maintenir en Corse. Il y a bien une internationale des mouvements de libération, mais ils sont sur le déclin. Que se soit en Irlande du Nord ou dans le Pays basque, où il y a eu dépôt des armes et un retour à une opposition légale. Mais il est évident que toutes ces évolutions sont encore très fragiles. Bien que l’ETA a aujourd’hui livré son arsenal, ce n’est pas une garantie pour l’avenir. Le FN ne pourra pas s’établir à long terme sur l’île, car il est totalement opposé à plus d’autonomie. Il est néanmoins étonnant que Marine Le Pen cherche à séduire les habitants. Elle est jacobine dans l’âme et ne pourra pas admettre une fracture de l’unité nationale. Ses idées ne correspondent aucunement avec l’esprit d’indépendance de la Corse,. Alors pourquoi ce clientélisme ? Peut-être pour rassembler l’extrême-droite pour un futur combat.
Lorsque j’ai tourné mon film, j’ai donné mon avis. Je suis pour un peu plus d’autonomie mais pas pour une séparation avec la France. En principe je suis pour une Europe des régions, mais ne voudrais pas voir le continent morcelé en trop de nations, car cela rendrait encore plus difficile de construire plus d’unité au sein de l’UE. Mais je ne verrais pas d’inconvénients que les régions aient autan de droits et de devoir que les cantons suisses. Ils peuvent gouverner avec le soutien de Berne presque dans tous les domaines, à part les affaires étrangères et militaires qui sont exclusivement du ressort du pouvoir central. En appliquant un tel modèle en Corse, ce serait un pas en avant en direction de plus de liberté. Les gouvernements successifs n’ont pas pris de telles mesures, craignant que d’autres régions de France réclament aussi cette forme d’autonomie. Je pense à la Savoie, à la Bretagne, à la Provence, au Pays basque et finalement à la Catalogne. Et c’est-là que pourrait se détériorer l’ordre établi.Si Barcelone obtenait la séparation avec l’Espagne, il serait à craindre que leurs concitoyens habitant à Perpignan et dans sa région réclament le rattachement avec la nouvelle nation qui en résulterait. Cela engendrait encore plus d’éparpillement de l’UE. C’était la raison pour laquelle j’étais opposé au moment du référendum à la séparation de l’Écosse de l’Angleterre. Aujourd’hui, après le Brexit, je pense autrement. Lorsque le FN joue la carte régionaliste, c’est une démarche identitaire mais bien ancrée en France. Mais il n’est pas question de leur donner des pouvoirs accrus.
pm