La disparition de Pierre Boulez, qui est mort avant-hier à Baden-Baden à l’âge de 90 ans, m’incite à réfléchir sur l’apport de l’occident en ce qui concerne l’ouverture culturelle. Nous nous trouvons en plein dans une période régressive, où tout élan novateur est considéré comme un risque, un pari à ne pas prendre. Les gens sont devenus timorés, préfèrent rester dans les rangs, Ne surtout pas faire la une d’une manière révolutionnaire ! La conformité semble être devenue pour beaucoup une sorte d’assurance-vie. Est-ce la mort de la créativité ? Pierre Boulez a démontré le contraire. Il a rompu avec des tabous, s’est avancé dans le monde incertain du non-conformisme. Ses compositions ont été un signe d’ouverture, un appel au plus jeunes de tenter l’aventure. Avec l’IRCAM il leur a donné un cadre dans lequel ils pouvaient se défouler, loin de toutes contraintes. Un synonyme de liberté. Les lois du marché semblent la restreindre de plus en plus. Mais ne nous faisons pas d’illusions, sans un maître à penser comme Pierre Boulez, rien de tel aurait pu se dérouler. Ce qui est aussi impressionnant chez cet homme hors-paire, ce sont ses références classiques. Comme Pablo Picasso, il se réfère aussi au passé tout en regardant en avant. La preuve que pour toute évolution il faut avoir une fondation. Cela n’a jamais été de l’avant-garde sans une référence à notre culture, au contraire. Comme chef-d’orchestre remarquable, il a démontré son respect pour ses prédécesseurs. Des compositeurs qui eux aussi ont marqué leur époque. La meilleure façon de rendre hommage, ce serait de reprendre le flambeau qu’il nous tend, de rechercher de nouvelles formes d’expression.

Non, tout n’a pas été dit. Tant qu’il y a vie sur cette terre, l’évolution, qu’elle soit positive ou négative, ne s’arrêtera pas. Il est clair que nous nous trouvons dans une époque marquée par le progrès technique. La pensée marque le pas, ce qui n’est pas bon, car tout progrès remet en question notre manière de vivre. D’où la nécessité de réfléchir au sens à donner à notre vie, de faire une synthèse entre la technologie et la philosophie. Pierre Boulez l’a fait dans le domaine de la musique en l’incluant dans son art. Il n’a pas tenté de l’exclure, au contraire. Ses expériences dans l’électro-acoustique en sont la preuve. Aussi ses références à d’autres vecteurs de l’expression musicale. C’est avant tout la curiosité qui a marqué cet homme, qui lui a démontré que tous partis-pris étaient un frein et donnaient des œillères aux fondamentalistes de l’art. Un virus à combattre à tout prix ! Le monde perd avec sa disparition un homme d’une très grande envergure. Il a su donner courage et a incité la nouvelle génération a tenter l’ouverture. Malheureusement nous en sommes loin. Le conformisme dans lequel est plongé la culture, en est la preuve. Il serait souhaitable que les jeunes créateurs se débarrassent enfin du joug de la convention. Il est dû en grande partie au matérialisme, à la peur de sombrer dans la précarité. Cette option est fausse, car elle est une marque d’immobilisme, ce qui à long terme paralyse toute indépendance. Pierre Boulez a démontré que le courage est la seule voie possible pour les jeunes.

pm

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/01/06/mort-du-compositeur-et-chef-d-orchestre-pierre-boulez_4842501_3382.html

Pierre Mathias

Schreibe einen Kommentar

Deine E-Mail-Adresse wird nicht veröffentlicht. Erforderliche Felder sind mit * markiert