Des milliers de croyants ont protesté par le monde contre la couverture du nouveau numéro de « Charlie hebdo ». Ils considèrent que c’est un sacrilège d’y voir représenté Mahomet, même si c’est d’une manière modérée. Il y a eu de nouveau des morts ! Chacun applique la tolérance à sa guise. C’est ce qui la rend presque impossible à appliquer. Je vais vous avouer quelque chose. Je ne suis pas forcément un partisan d’une représentation satirique des religions, considérant que cela peut blesser les croyants. Mais si je veux défendre la libre expression, je dois admettre une telle démarche. Je ne peux pas émettre des interdits. En faisant une sélection je provoque une levée de boucliers. Libre à tous de répliquer d’une manière ou d’une autre. Ce qui est important est d’avoir la possibilité d’émettre son opinion sans être menacé. Les déclarations du Pape François sont de son point de vue à lui compréhensibles, mais il est impossible de mettre un frein à ce que je considère comme étant un droit fondamental. On ne peut pas se laisser aller à la demi-mesure, car elle provoque automatiquement des interdits venant de tous les bords. En observant ce qui se passe concernant « Charlie hebdo » je me demande si l’homme est capable de respecter son vis-à-vis ? L’apprentissage de la tolérance demande beaucoup de générosité. Accepter ce qui à première vue peut être considéré comme étant blessant est souvent considéré comme un signe de faiblesse. Ce ne l’est pas, au contraire. Mais allez dire cela à des enfants qui instinctivement considèrent leur vérité comme étant la bonne. L’instinct leur dicte une opposition fondamentale qui souvent s’exprime par la violence. C’est ce que nous vivons depuis la nuit des temps. C’est pourquoi la liberté d’expression est une utopie. Mais nous devons nous battre pour qu’elle devienne une réalité, parce que sans elle nous favorisons le totalitarisme. Avez-vous rencontré un dictateur qui accepte la critique ? Un responsable qui avoue de lui-même faire fausse route ? Sans une démarche oppositionnelle, la porte conduisant à la démesure et à la répression est grande ouverte. La portée politique de personnes mettant en doute des faits considérés comme étant intouchables est la marque même de la démocratie. Elle ne peut que vivre du débat d’idées. Ce n’est pas en mitraillant les esprits contestataires qu’on fera taire la libre expression. Même en ce qui concerne « Charlie hebdo » j’ai le droit d’émettre des réticences. Mais je n’ai pas le droit de museler des journalistes et des caricaturistes qui considèrent comme étant de leur devoir de condamner certains agissements et ceci ouvertement. C’est la raison pour laquelle je les respecte. Ils ont payé de leur vie leur libre-parole. Ils l’ont fait pour nous inciter à avoir du courage. C’est ce que je retiens du drame que nous venons de vivre.
pm