Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du travail, devra faire avaler une potion amère aux salariés, celle d’une réforme des conditions actuelles de l’emploi. Le but est de relancer l’économie en abaissant les charges sociales et de laisser plus d’autonomie aux entreprises en ce qui concerne les rapports entre leurs dirigeants et les syndicats. Il devra être possible de négocier les conditions mutuelles à la carte, en prenant en compte de toutes les spécificités locales. Il y aura donc plus de souplesse. Mais il s’agira aussi pour le personnel de négocier âprement les contrats, que ce soit le temps de travail, les conditions de renvoi en cas de ralentissement des activités ou tous autres avantages sociaux. Cela demandera plus d’engagement, plus de responsabilité de la part des employés. Muriel Pénicaud, qui a été membre du cabinet de Martine Aubry et qui par la suite a eu des responsabilités dans le management, devra montrer beaucoup de doigté. Son rôle sera, dans un dialogue intensif avec le patronat et les syndicats, d’obtenir le plus d’assentiment possible de part et d’autre. Mais il est aussi évident que le fait de bousculer des traditions spécifiquement françaises, ne sera pas aisé. Contrairement à l’Allemagne, où la participation au sein de l’entreprise est de mise, nous nous trouvons ici dans la culture de l’affrontement. Comme le personnel n’est en principe pas inclus dans la marche des affaires, son attachement à la maison qui l’emploie, est d’une nature. Celle d’une revendication constante, qui ne tient pas tellement compte des réalités économiques. Comme il n’a en principe aucun pouvoir en ce qui concerne le management ou la gestion financière, il ne peut que faire appel à des revendications, même si ces dernières sont parfois irréalistes.
Il est pour moi évident que sans une transformation complète des rapports entre les partenaires sociaux nous irons au devant de graves conflits. Une grande partie du miracle allemand découle de l’intéressement des travailleurs à la marche des entreprises. Les conseils de surveillance se composent de 51% des représentants du capital et de 49% de ceux du personnel. Les instances économiques sont aussi mixtes. Dans pas mal de cas, il y a aussi des revenus financiers supplémentaires, par le biais d’un actionnariat auquel ont droit tous ceux qui travaillent. Les engagements et les licenciements ne peuvent pas être entérinés sans l’accord des partenaires sociaux. Si le gouvernement exige des efforts de la part des employés, je pense qu’il ne pourra que réussir, si l’intégration soit entrée dans les mœurs. Ce modèle demande à tous de revoir les rapports entre les directions et les syndicats. En Allemagne le conseil d’entreprise ne se cantonne pas seulement à régler les questions de l’embauche et de salaire, il est le partenaire en ce qui concerne toutes les décisions qui doivent être prises afin d’assurer le bon fonctionnement des entreprises. Muriel Pénicaud aura beaucoup de pédagogie à faire, car les réformes exigées remettent à plat tous les rapports entre employeurs et employés. Une opération qui aura de grandes conséquences dans tous les domaines de l’État. Ce qui est demandé, c’est plus de responsabilité individuelle.
pm